L’enseignant chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan, a publié son nouvel ouvrage chez l’Harmattan Côte d’Ivoire, en septembre 2024, dans le contexte du projet des « Personnes mises en esclavage », initié par l’Unesco en 1994 sous l’appellation de la « Route de l’Esclavage ». Il participera à une Conférence internationale sur le sujet à l’université de Sapienza, à Rome, les 30 et 31 janvier 2025.

Côté pile, deux bras noirs côte à côte, qu’on pourrait imaginer enchaînés, dont l’un est ensanglanté, sur une couverture bicolore, verte et rouge. Les inscriptions sont en blanc, pour ce qui concerne le nom de l’auteur, le sous-titre de l’ouvrage et le nom du préfacier, alors que le titre est en jaune. Côté face, une quatrième de couverture de couleur rouge sang, avec un léger bandeau en vert, laissant transparaître un texte majoritairement écrit en noir, alors que le titre reste en couleur jaune. L’ouvrage paru chez l’Harmattan Côte d’Ivoire est une véritable révélation et une invite à la découverte d’une histoire de l’Afrique sous le prisme du pays des Éléphants. Comme l’illustre le résumé de la quatrième de couverture.

« La Côte d’Ivoire n’a pas été colonisée par le Portugal, ni par l’Angleterre, et encore moins par la Hollande. Cependant, en observant bien de près l’univers linguistique endogène ivoirien, l’on y atteste des lexèmes ou des emprunts issus des langues de ces pays occidentaux. Comment ces vocables et expressions ont-ils pu s’introduire dans l’univers plurilingue de ce pays africain ? », se demande d’emblée l’auteur, invitant le lecteur à le suivre sur les traces d’un pan capital de l’histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. « Cette interrogation a été le levier d’une recherche de longs mois sur le terrain et dont les résultats se résument dans les lignes suivantes qui identifient et qualifient clairement le rôle actif de la traite négrière sur les côtes Ivoiriennes », indique encore le texte, précisant : « Dans cet ouvrage, l’auteur convoque des lusitanismes et des anglicismes, stigmates éloquents de ce commerce honteux ». Et de conclure : « À ces empreintes, s’agrègent d’autres traces matérielles irréfutables et des vestiges aussi bien toponymiques qu’hydronymiques, le tout, soumis à une analyse lexicologique et descriptiviste qui prend appui sur l’histoire et la lexicographie ».  

7 chapitres, 102 pages

Avec l’équipe des géomaticiens chargés de faire voler les drones pour le marquage et la géolocalisation des lieux de mémoire liés à l’esclavage.

Il faut ensuite ouvrir les premières pages du texte, se laisser emporter par l’aventure de la recherche scientifique sur le sujet abordé en sept chapitres et sur une centaine de pages. « Stigmates lexicaux de la traite négrière en Côte d’Ivoire. Des lusitanismes aux anglicismes, une si longue histoire ». L’intitulé du thème, clairement exprimé, indique qu’il s’agit d’un travail de recherche effectué, une partie douloureuse de l’histoire de la Côte d’Ivoire, en Afrique, et qui en réalité concerne l’humanité entière dont ce continent est le berceau. L’ouvrage comprend un « Avant-propos » qui relate les différentes explorations des côtes ouest africaines et particulièrement ivoiriennes, dès la deuxième moitié du XVᵉ siècle, depuis les Portugais, en 1482 avec le comptoir « Sāo Jorge da Mina », plus connu sous le nom d’Elmina, jusqu’aux Hollandais (le Cap Lahou) au XVIIᵉ sicle également appelé Lahou Kpanda, en passant par les Espagnols(1581-1641). « De ce qui précède, il ressort visiblement que les pays qui ont pratiqué le commerce et l’esclavage sur les côtes ivoiriennes sont respectivement le Portugal, l’Angleterre et la Hollande », soutient Dr Tougbo Koffi. Les sept chapitres depuis « La définition des concepts » jusqu’à « l’actualité de la question et perspectives », en passant « Un peu d’histoire : le Portugal, l’Angleterre et la Hollande en terre ivoirienne », « Les peuples et les langues en présence », « Du corpus et des méthodes d’analyse des stigmates », « Des lusitanismes et des anglicismes dans l’univers linguistique ivoirien » et « Autres stigmates palpables de la traite négrière en Côte d’Ivoire », sans oublier une bibliographie utile, l’auteur propose un texte scientifique dense, agrémenté par une préface lumineuse.

Préface de M. Maurice Kouakou Bandaman

« Partout dans le monde, la question de la rencontre des civilisations et des peuples est essentielle. Point n’est besoin de passer sous silence ses bienfaits. L’enrichissement de soi naît des apports des autres, de la fraternité dite universelle, du partage des valeurs humaines identifiées », note M. Maurice Kouakou Bandaman, préfacier de cette production littéraire, par ailleurs Ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France, et auteur. Il souligne : « Les études consacrées au continent africain ont mis en lumière diverses entraves qui, à ce jour, continuent d’affecter sa marche dans le monde. Parmi les plus citées, il y a la traite négrière et la colonisation. Il n’est pas utile de souligner les effets dévastateurs de ces maux qui, des siècles durant, ont fait avancer l’Afrique sur des chemins de traverse. Délivrées des mors, les victimes de ces maux et tous leurs amis du monde entier ont su dénoncer avec force les barbaries perpétrées ». L’Ambassadeur, ancien ministre de la Culture de la Côte d’Ivoire, reconnaît néanmoins : « En tant que berceau de l’humanité et des civilisations, l’Afrique, en dépit des fausses trappes et des vicissitudes liées à son histoire mouvementée, a fait montre de large ouverture. Il n’est que s’arrêter sur ses arts devenus une référence partout dans le monde pour s’en convaincre ». Partageant son bonheur de préfacer ce livre, qui « sert efficacement la cause de « La Route de l’Esclave » », M. Maurice Kakou Bandaman conclut : « La convocation des faits d’histoire liés au parcours de la Côte d’Ivoire et, plus largement de l’Afrique permet aux peuples africains d’assumer pleinement leur présent, de se penser dans leur totalité et de mieux construire leur devenir. Ce tropisme que véhiculent bien des chercheurs doit gouverner notre vision d’une Afrique réconciliée avec elle-même. Tel est, me semble-t-il, le principal message de l’auteur Tougbo Koffi. Tel est l’enjeu de ce livre qui appelle la meilleure attention ». À lire absolument.

Par Jean-Célestin Edjangué à San Pédro

*Tougbo Koffi, Stigmates lexicaux de la traite négrière en Côte d’Ivoire : Des lusitanismes aux anglicismes, une si longue histoire, L’Harmattan, Côte d’Ivoire, sept. 2024 – 102 pages, 13 euros.

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