La voyageuse-chercheuse, comme elle aime à se définir, par ailleurs Consultante sociale et directrice artistique des 72 heures du livre de Conakry, nous entraine, appareil photo en bandoulière, sur les traces de ses pas, à la découverte des pays de la Teranga et Dogon.

C’est ce qui s’appelle « coup double », dans le jargon littéraire.  Le fait de commettre instantanément deux œuvres, de publier au même moment deux ouvrages, de signer en même temps deux titres. Tous ceux qui s’adonnent à la passion de la littérature savent qu’il n’est pas facile de réaliser un projet d’écriture. Vous imaginez alors quand il s’agit de deux productions… Le mérite d’Isabelle da Piedade n’en est que plus grand. « Vous connaissez ces moments tellement singuliers et fondateurs qui viennent interroger votre famille, votre/vos cultures, votre éducation, votre/vos identités, vos valeurs, vos actes passés et à venir, de jeune femme ou jeune homme sur la terre ? La première fois que j’ai plongé mon corps et mon esprit sur le continent africain en 1984, il me semble que j’ai eu droit à un décentrage, un temps choisi. J’étais à peine majeure et le pays que j’avais décidé de découvrir était le Sénégal. Atterrissage en Gambie à Banjul, un choc culturel immédiat, d’autres langues, aucun repère. Une déflagration intérieure ! », écrit l’auteure, en guise de résumé, en quatrième de couverture de « Mon Afrique au Sénégal. Un album photos, ou plus exactement un journal photos, avec des textes parfois explicatifs, illustratifs ou qui marquent la respiration, pour mieux illuminer les images.

« Immortaliser l’histoire en la racontant »

 La première de couverture, un patchwork de plusieurs images dont celle de l’auteure sur les bords du fleuve Sénégal contemplant une carte de l’Afrique suspendue, entre ciel bleu et mer, est déjà une invitation au voyage, un retour aux sources, une découverte des racines profondes du pays de la Teranga, avec son hospitalité légendaire. Il faut se laisser embarquer à l’intérieur du livre, pour feuilleter chaque page, apprécier chaque image, marquer un arrêt devant chaque texte, pour apprécier l’histoire racontée. Comme celle des couleurs et des symboles du Sénégal « Le Vert, symbole de l’espoir et de la nature ; le jaune représente la puissance du soleil et de l’or ; le Rouge pour le sang versé par nos anciens et le symbole de la lutte », note Isabelle da Piedade, précisant : « Un peuple, un but, une foi, telle est la devise du Sénégal » et « Le Lion et le Baobab sont ses emblèmes ». Ou encore les premiers pas de l’auteure en Casamance, à la recherche des traces de ses racines. « L’origine de ma démarche était en lien avec mon histoire personnelle ainsi que mon désir de découvrir l’Afrique et la Monde. A l’époque de ma jeune et fragile majorité, je cherchais des chemins pour m’équilibrer, construire du sens… », raconte-t-elle. Saint-Louis, l’île de Gorée, Dakar, le patrimoine culturel, les gens et leurs manières de vivre, les objets, les métiers, la nature… sont autant d’images, de poésies, d’instants de vie immortalisés dans « Mon Afrique Sénégal ».

« Démarche ethnocentrique »

Quant à « Mon Afrique au Mali » l’autre production littéraire d’Isabelle da Piedade parue, elle aussi, en avril 2024, elle consigne sur 70 pages, un pan de la mémoire collective du peuple Dogon. « Lorsque je deviens nomade, je vais à la rencontre de l’histoire, des cultures, des peuples et des traditions… Je découvre des objets, des couleurs, de la matière, de l’habitat… des fondations, des routes et des chemins pour accéder à une nouvelle étape de mon exploration de voyageuse-chercheuse, « auteur et photographe ». Je cultive la lenteur, car mes sens peuvent vivre et ressentir des émotions qui inonderont mon cerveau et mon corps. J’observe ce qui m’entoure et prends le temps de regarder les coiffures, les tenues, les interactions… ». C’est ainsi qu’elle introduit le résumé, à la dernière page, de cette autre contribution. Et de poursuivre : « Je me sens actrice engagée, pleine d’humilité, qui se donne les moyens de pouvoir approcher d’autres sociétés et façons de vivre et d’être au monde. Il est question d’initiation, de rites, de passages, de vie et de transmissions. Des savoirs et savoir-faire qui ont pour fonction de maintenir et de favoriser le lien social au « collectif ». J’évolue au sein d’un musée à ciel ouvert, où l’humain est la centralité de la pensée et des actes ».

De Bamako, la capitale, à Bandiagara, terre de naissance d’Amadou Hampâté Bâ et de Yambo Ouologuem, au pays Dogon, en passant par Djenné, Mopti ou encore Ségou, on touche du doigt l’art et l’artisanat, l’accueil naturel des populations, le lien indestructible avec la spiritualité, le témoignage des bâtisses multiséculaires, ainsi qu’une joie de vivre indescriptible.

Merci à Isabelle da Piedade, pour le partage d’une part de la quête de ses racines, de son histoire, avec tant d’humanité. Dommage qu’aucun des deux titres ne propose ni pagination, ni sommaire, pour mieux guider le lecteur. Sûrement la volonté de l’auteure

Par Jean-Célestin Edjangué

*Isabelle da Piedade, Mon Afrique au Mali, 14 euros, L’Harmattan.
*Isabelle da Piedade, Mon Afrique au Sénégal, 16 euros, l’Harmatta

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