Le dixième roman de l’écrivain, Administrateur de la Chaire des littératures et Arts africains à l’Académie du Royaume du Maroc, à Rabat, sort le 6 mars 2025 chez Gallimard. Il sera présent au Salon du livre africain de Paris (SLAP) du 14 au 16 mars 2025, à la hall des Blancs Manteaux, dans le 4ᵉ arrondissement de la capitale française.

« Onisha, Princesse tikar à la beauté foudroyante, a éconduit un vieux prétendant et s’échappe de son royaume pour un autre. À l’ombre bienveillante d’un Sultan redouté, elle organise des manifestations originales, comme cette foire panafricaine des têtes récalcitrantes. Désigné vainqueur des intransigeants, l’étrange Zam-Zam, au crâne de pierre, éblouit d’abord la Princesse, avant d’être à son tour congédié lors d’une nuit, des joutes oratoires et des taloches. Il en perd la raison, mais pas la foi en son destin. Le Royaume de Pamanga est soudain submergé par un mystérieux, cet dévastateur virus qui tue quiconque sombre dans la tristesse. La panique devient générale, car l’on doit rire en permanence. L’apocalypse se rapproche de la capitale Pamenga, l’épicentre du phénomène, quand éclate un violent incendie dans la forêt sacrée, qui menace de tout emporter ». La quatrième de couverture de Zam-Zam, du dixième roman d’Eugène Ebodé, plante le décor des histoires qui se trament tout au long des douze chapitres et quatre-vingt-treize pages qui constituent cette production littéraire atypique, comme l’est chaque ouvrage de cet écrivain qui a l’art et la manière de jongleur avec les mots, comme peu d’autres. Dès l’entame de cet ouvrage, le lecteur tombe sur une surprise historique.

Hommage à Pouchkine

« Portrait

Vous me demandez mon portrait

Mais peint d’après nature ;

Mon cher, il sera bientôt fait,

Quoiqu’en miniature (…) »

C’est par le poème d’Alexandre Pouchkine (1799-1837), rédigé en français et en vers, à l’âge de 15 ans, dans le cadre d’un devoir de rédaction initié par les professeurs de français du lycée impérial de Tsarskoïe Selo, à Saint-Pétersbourg, en Russie, dont nous avons extrait le premier vers, que s’ouvre Zam-Zam. L’auteur rappelle son emprunt à « L’iconographie des descendants d’Abraham Hanibal » par Vadim Stark, Pouchkine et le monde noir, sous la direction de Dieudonné Gnammankou, Présence Africaine, 1999, pp.115-116 ». Un clin d’œil appuyé à l’histoire au moment où le monde littéraire salue la mémoire de ce poète, dramaturge et romancier russe dont l’ancêtre Hanibal était un Africain, né dans la région entre le Cameroun et le Tchad, en plein cœur d’Afrique centrale. Les travaux du professeur Dieudonné Gnammankou relatifs à la restauration de ce fait historique, lui ont valu d’être distingué par le trophée de l’Académie du Royaume du Maroc, à Rabat, en mars 2024.

« De l’histoire à l’actualité… Les affaires du monde »

Si Zam-Zam convoque l’histoire et la mémoire, le titre fait aussi la part belle à la place de la culture, comme l’illustre à suffisance, sur le prologue d’une trentaine de pages, l’échange entre l’écrivain et son éditeur au sujet du manuscrit. « Maestro, vous comprendrez, je l’espère, mon long silence. Il m’a fallu l’observer, depuis mon étonnant voyage au pays des sinistres et mon retour en ces lieux où j’aime tant à venir m’allonger. Reprendre souffle et esprits a été un exercice salutaire. Le temps m’a servi à trier, désenchevêtrer, méditer et, pour le plus difficile, à me remembrer […] Vous le lirez probablement sous un autre angle : comme un rapport détaillé sur ce mal invisible et terrible, aux origines inconnues, qui s’est abattu comme un typhon ravageur sur Pamanga ». L’actualité n’est jamais bien loin. La pandémie du siècle, qui a mis le monde au pas, il y a quelques années, va bouleverser définitivement les us et coutumes jusqu’à l’organisation et la vie dans des sociétés traditionnelles, à l’instar du Sultanat Pamanga. Un gouvernement inséré au sein d’une république, et qui, au sortir des mois traumatisants de ce mal, n’aura plus qu’un seul moteur de vie, la jouissance tout de suite et maintenant : « Quittant il y a quelques semaines Pamanga, j’ai pu constater que les populations n’y sont pressées que de tourner la page et elles font bruyamment savoir : « Nous avons assez tremblé ! Qu’on nous laisse boire, batifoler et bouffer ! », raconte encore l’auteur à son éditeur. On n’est donc pas surpris que le Sultan Bokito soit subjugué par la jeunesse, la beauté et le comportement pour le moins insouciant, voire transgressif d’Onisha, la Princesse tikar. En réalité, Zam-Zam parle des affaires du monde, de la sauce feuille, à base de feuilles de manioc bouillie, dégustée à Kankan, en Guinée, et dont les Gabonais juraient la paternité de la recette originelle, du koki enrobé de feuilles de bananier et cuits à la vapeur ; mais aussi de poésie bien au-delà de l’évocation du grand poète Nosidor Guilamba (VIIIᵉ-IXᵉ siècle).

Ce dixième roman d’Eugène Ebodé, dans la collection Continents Noirs, est drôle, envoûtant, entrainant, et, comme toujours avec cet écrivain atypique, maître du jeu des mots et apôtre des formules inattendues, surprenant.

Par Jean-Célestin Edjangué à Paris

* Zam-Zam, Eugène Ebodé, Gallimard, 93 pages, 2025, 15 euros.

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