Ancien Premier ministre de la Guinée, il vient de publier un nouvel essai, qui indexe la responsabilité humaine dans la dégradation de l’environnement, et en appelle à une prise de conscience urgente individuelle et collective, au moment où le Brésil abrite la grande messe planétaire sur l’urgence climatique. Lisez plutôt.
M. le Premier ministre, merci pour votre disponibilité. Vous venez de sortir aux éditions Cherche midi « Notre biodiversité en danger. Guinée : Plaidoyer pour des actions salvatrices », avec une préface de Rémy Rioux, Directeur général du groupe Agence française de développement, et une postface de Mme Anne-Cécile Bras, rédactrice en chef adjointe à l’environnement de Rfi, présentatrice de l’émission « C’est pas du vent ».

Avant d’entrer dans le cœur de cet ouvrage, arrêtons-nous d’abord sur l’actualité immédiate, avec la Cop 30 qui s’ouvre ce jeudi 6 et jusqu’au 21 novembre 2025, à Belem, au Brésil. À quoi sert encore cette grande messe, puisqu’on se rend compte que l’Afrique, région la plus victime des conséquences du réchauffement climatique, bien qu’émettant peu de gaz à effet de serre (4 %), et que les plus grands pollueurs n’entendent toujours payer ?
On aurait tendance à penser que cette rencontre ne sert à rien. Je milite contre cette idée. Si vous participez à une Cop, vous allez vous rendre compte qu’il y a plusieurs évènements, depuis les innovations et découvertes dans de nombreux domaines. C’est aussi l’occasion de partages, d’autant que les scientifiques mettent à jour différentes trouvailles. J’attends donc de la Cop de Belem, au Brésil, qu’elle continue dans ce chemin pour une meilleure protection de notre planète.
Parlons maintenant de « Notre biodiversité en danger », votre nouveau livre paru il y a quelques semaines chez le Cherche midi. Comment est née l’idée de ce projet d’écriture ?
Merci M. Edjangué. C’est réellement un sentiment de culpabilité, si je ne faisais rien. Je viens d’un pays, la Guinée, qui est doté de ressources naturelles importantes, végétaux, faune, forêt, minerais, l’eau… un peu de tout. Je me suis rendu compte, depuis un certain temps, que l’environnement est en train de se dégrader. Mais au-delà de cette réalité, j’ai eu le grand privilège de diriger une organisation qui s’appelle l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS ndlr), qui couvre quatre pays, basé à Dakar. J’avais la responsabilité de visiter ces pays, bien valoriser leurs ressources hydrauliques et en même temps faire attention à la manière dont ils devaient conserver leur environnement, de la biodiversité. Et en les parcourant, je me suis rendu compte de la dégradation avancée et surtout le rôle que la Guinée devait jouer dans ce domaine, parce que toute insouciance, toute erreur en Guinée, avait un impact énorme sur ces pays.
Qu’est-ce que ça a posé comme difficultés pour pondre ce pavé de près de quatre cents pages, et comment avez-vous fait pour braver ces obstacles ?
Une petite anecdote, c’est que j’ai eu deux déclics pour écrire ce livre. D’abord, j’ai une fille brillante qui travaille à New-York, dans la finance internationale. Elle m’a dit un jour, papa, tu as écrit un livre sur l’eau, il se trouve que l’eau devient une ressource rare aujourd’hui, beaucoup de sociétés sont en train de chercher à investir dans les pays où il y a des ressources en eau qui garantiraient des investissements. Je suis en train de préparer un indice d’attractivité des pays en fonction des ressources en eau. Peut-être que ce serait bien que nous écrivions, toi et moi, quelque chose ensemble, puisque l’eau est un élément de la biodiversité. J’ai dit oui, ce serait très beau, que la fille et le père écrive un livre ensemble. On a commencé à cogiter, elle en Amérique et moi en Guinée. Et puis, il y a trois ans, par le hasard des connaissances internationales dont j’ai bénéficié après avoir été Premier ministre en Guinée, l’Union africaine et la CEDEAO m’ont désigné pour superviser les élections présidentielles au Burkina Faso. Tout s’est très bien passé. Et en me raccompagnant à l’aéroport, l’agent de protocole a lu mes papiers en me disant, M. le Premier ministre, je vous souhaite un bon retour en Guinée. Il ‘en est allé et quelques secondes après, deux messieurs sont venus me voir dans le salon d’honneur. M. apparemment, vous êtes de la Guinée, vous avez été Premier ministre de la Guinée ? J’ai répondu par l’affirmative. Ils me racontent qu’ils ont vécu une dizaine d’années en Guinée et qu’ils aiment beaucoup mon pays. Mais que cependant, il y a deux jours, ils ont lu dans la presse qu’un Chimpanzé s’est échappé de son environnement naturel pour faire irruption dans une ville de la Guinée, s’emparant d’un enfant et s’est enfui avec. Pour nous, c’est très grave, ça veut dire que l’habitat est danger. Il faut absolument que les Guinéens en prennent conscience. C’est une alerte sérieuse. Pour moi, ça a été un choc. J’ai appelé ma fille lui disant que je ne peux plus attendre, je suis interpellé à des milliers de kilomètres. La Guinée, c’est un sanctuaire de biodiversité. Il y a en Guinée 1200 cours d’eau qui prennent leur source dans le Fouta Djalon, près de 200 milliards de mètres cube d’eau dans le pays, sept bassins internationaux, il coule de la Guinée 75 à 80 milliards de mètres cube d’eau pour aller vers les pays voisins. Si ces ressources en eaux tarissent, ça veut dire le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Libéria et la Sierra Leone sont en danger.
Vous m’avez demandé quelles sont les difficultés que j’ai rencontrées. J’avais la possibilité de sauter à pieds joints et d’écrire. Je me suis dit que ça n’allait pas sensibiliser les gens. J’ai préféré remonter au niveau mondial, pour voir de quelle façon le changement climatique, l’environnement, est en danger aujourd’hui. Et comment, étant dans le même bateau, faire en sorte que les gens comprennent que ce qui se passe en Guinée à son pendant aux États-Unis, en Asie, en Europe…
L’ouvrage est très bien séquencé, permettant une lecture facile et une compréhension claire des enjeux évoqués. Un mot sur cet aspect technique du séquençage ?
Le livre comprend quatre chapitres. Le premier chapitre concerne une description de tout ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, en particulier par le fait que la terre vie à crédit. Six avant, les gens ont tout consommé de ce que la nature peut régénérer pour la consommation mondiale. C’est un vrai danger. Tout le monde ne peut plus avoir, six mois avant, de quoi manger, de quoi étancher la soif avec de l’eau. Le deuxième chapitre a trait à l’impressionnante biodiversité de la Guinée et les matières premières alertes, le troisième indexe les facteurs de ce désastre humain et écologique, alors que le quatrième et dernier chapitre parle de l’urgence de l’action pour sauvegarder le précieux patrimoine culturel et biologique de la Guinée.
Tous ces éléments évoqués appellent à prendre conscience de la nécessité urgente de protéger et de sauvegarder notre environnement.
Mené à Paris par Jean-Célestin Edjangué

