La jeune auteure camerounaise a publié aux éditions Le Lys Bleu, en France, un premier roman et une Nouvelle, à trois mois d’intervalles. Un coup double étonnant.
C’est l’expression consacrée dans le milieu culturel, lorsqu’un réalisateur, un compositeur ou un auteur, sort une double production de manière simultanée ou quasiment. En publiant, à quelques mois d’écart, un roman et une nouvelle, la jeune auteure camerounaise, Nathalie Ketchabia, s’invite, dans le cercle. Et de quelle manière !
La quatrième de couverture de son premier roman « Rose épine », nous plonge dans méandres de la vie quotidienne de la jeunesse, avec ses tourments : « Kandy, jeune femme de vingt ans, incarne la beauté et l’intelligence, mais également une touchante naïveté. Issue d’un foyer empreint de malice, elle se heurte brutalement à la cruauté du monde extérieur. Soumise à une éducation rigide et dangereuse, elle traverse de nombreuses épreuves qui la laissent malade et désabusée face à l’hypocrisie et à l’égoïsme des adultes. Déterminée à se reconstruire, elle entreprend un projet de vie ambitieux. Parviendra-t-elle à surmonter sa mystérieuse maladie et à atteindre son rêve ? », s’interroge la quatrième de couverture en résumant l’ouvrage, premier roman de l’auteure, dont on apprend par ailleurs la genèse de son projet d’écriture. « Nathalie Ketchabia a d’abord confié ses rêves, ses joies et ses peines à son journal intime. De ces écrits personnels est né son premier roman, Rose épine, une œuvre qui témoigne de son talent exceptionnel pour transmuter les émotions en récits ».
L’intérêt voire la passion pour l’écriture chez Nathalie Ketchabia ne fait aucun doute. Ses deux œuvres littéraires que nous avons eu le bonheur de recenser, sont de genres différents et racontent des histoires qui font la vie quotidienne d’ici et d’ailleurs, et surtout, écrites dans un style clair, facilement compréhensible, avec de l’esprit en prime.
Un roman de 17 chapitres et 157 pages…
« Cet ouvrage n’est qu’un triomphe de l’Éducation au sens profond du terme sur l’avoir dans tout ce qu’il peut constituer de mouvant, d’instable et de léger ; c’est une victoire de la discipline et de la patience sur l’adversité ». D’emblée, le premier paragraphe de l’introduction plante le décor. Le dernier paragraphe du même propos introductif est encore plus explicite. « L’auteure veut révéler sa « Vraie Identité » ; celle chrétienne ; prélude à une vie en abondance et servir d’exemple à toutes ces destinées à l’ombre des vies inassouvies de sa collection à venir ».
Le récit de dix-sept chapitres, depuis le « Choc culturel » de l‘escale à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, en France, pour atterrir sur la ville d’Ekiéssé, en provenance de Munich, en Allemagne, jusqu’à « Les regrets du retour et lueur d’espérance », en passant par « Une nuit au commissariat de police de Munich pour rapatriement », « L’envers du quotidien », « Le secret dévoilé », « L’horreur », « Au jardin public et la rencontre de nouveaux amis », « Le rêve prémonitoire et le curé de la paroisse, le père Alberto »,… et « Une expérience de vie inassouvie, pathétique », Kandy aura tout connu, tout vécu, tout expérimenté ou presque. Comme la visite du harem par des bourreaux. « Mon seul désir était de me fondre dans la nature de cette ville ; me perdre au loin, loin de tout. M’éloigner de cette espèce humaine méchante, de cet esprit invisible, sûrement maléfique qui semblait m’en vouloir de quelque chose dont j’ignorais ; et qui pour cela décidait de me priver de tout repos et de paix ! Errer, oui, peut-être ; m’évader dans les rues de Munich. Être libre au grand air, hors de ce harem, paradis que je croyais avoir trouvé ; mais que je venais de perdre fut préférable ? En tout cas, je n’en savais plus rien. », affirme l’auteure, ajoutant, par ailleurs, au sujet du vagabondage de Kandy dans les rues de Munich : « À l’extérieur maintenant, je réussis à m’éloigner assez du harem sans me faire repérer. À cette heure très avancée de la journée où le soleil levant avait depuis des heures rangé ses rayons lumineux ; cédant sa place au crépuscule qui annonçait la tombée de la nuit ». Et l’interprétation des songes de la bouche du Curé, le père Alberto, attirant l’attention sur du « Malheur qui pourrait s’abattre sur la famille » ajoutée à l’état de santé préoccupant de Kandy, grossissait davantage le climat pesant, lourd, anxieux, qui prédominait au sein de la cellule familiale, nonobstant les mots rassurants de la grand-mère Ekomzo à sa fille Maguy, la maman de Kandy, lui promettant de faire appel aux puissances surnaturelles de malam Sonkè, le grand marabout.
Preuve qu’elle a pris le pli en tricotant avec les mots, l’auteure se donne la liberté d’explorer un autre genre littéraire, refusant de s’enfermer dans le genre romancé. … Une nouvelle de 7 titres et 119 pages
« Fange », la nouvelle signée par Mme Ketchabia, met en scène plusieurs histoires autour des thématiques diverses, comme l’atteste le résumé de la quatrième de couverture. « Fange explore les destins entrelacés de personnages évoluant dans les recoins obscurs des villages oubliés et des quartiers défavorisés. Refusant de céder à la fatalité, ces âmes écorchées mènent une lutte acharnée pour métamorphoser leurs existences fracassées en havres d’espoir. À travers ces récits poignants, empreints de douleur et de courage, se dresse un vibrant hommage à l’humanité et à a résilience. Une invitation à plonger dans les profondeurs de vies ignorées et à en émerger transformé». L’auteure indique pour le préciser, qu’elle « puise dans son expérience et dans les confidences de son cahier intime une force d’écriture d’une intensité remarquable. Par la puissance de ses mots, elle met en lumière des réalités souvent occultées, révélant les vies oubliées et les combats silencieux d’une société tiraillée entre ombre et lumière ».
Dès la présentation de la nouvelle et la justification du titre générique de cette publication, le texte nous plonge dans un univers philosophico-religieux, autour de la création, la formation de l’humanité. « Il est écrit qu’au commencement, l’Éternel Dieu forma l’Homme de la poussière de la terre. Il souffla dans les narines de celui-ci le souffle de vie et l’Homme devint un Être vivant. L’on ne sait tout de même pas si cette poussière était trempée ou non ». Une préoccupation qui est aussi source de tourments. « Cela se déroule dans une bataille intérieure, parfois tout aussi extérieure, à laquelle nous sommes ma préparés. Selon la loi divine de l’Évangile, tirée de l’Ecclésiaste, chapitre 3, versets 16 à 20, la vie est remplie de défis et d’adversités, souvent plus que d’opportunités, âpres et difficiles. Elle est le reflet de la puissance qui naît de l’affrontement de notre âme, à l’image de Caïn et Abel. Et pourtant, de ce chaos naît un héritage, une transmission pour la génération suivante. C’est cela, la frange ».
Une « Fange » en plusieurs actes, qui s’ouvre avec « Une journée peu ordinaire », chaleureuse et bruyante avec des marchands ambulants en quête d’un peu de fraîcheur dans les locaux des entreprises alors même que l’accès leur en était interdit aux heures de travail ; « Un héritage malgré tout », autrefois petit atelier familial de menuiserie, légué en quelque sorte à Benoît, jeune homme de 25 ans, comme un véritable patrimoine familial, par son père adoptif ; « Mère précoce », le tandem Lucia-Annabella, régalant la bandes des copines et amis des compositions culinaires exquises, des jus naturels rafraîchissants… et beaucoup d’autres produits alimentaires, avant la découverte surprise, au hasard d’une visite médicale de routine, qu’Annabella était enceinte de plusieurs mois. Puis, « Mes regrets » de voir papa expirer, retourner auprès des ancêtres. Alors que « N’Zeté l’orphelin, (1) au-delà des aléas », analphabète, en quête d’identité, est réduit à scruter le lever du jour pour espérer croire qu’il finira par arriver, même jusqu’au bout de la nuit. La recherche de ses racines, derrière « Fausse identité », s’impose comme une nécessité pour accomplir sa mission sur terre. « Ta destinée, c’est ce pour quoi tu as été créé ! Pourquoi es-tu née, Afrique ? Il te revient, à toi seule, d’influencer ta destinée ! Afrique, le prix de l’ignorance ? Afrique, la gloire partie ? Afrique, paradis perdu ? Afrique, es-tu un papillon ou un oiseau ? C’est Dieu qui donne ; Afrique ! Et toi, Afrique, quelle est ta vraie identité ? Afrique des ancêtres de baals, ou Afrique régénérée des ancêtres d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? (…) Sache, Afrique, que la réussite, c’est pour toute la vie ; or le succès, ça dure seulement pour une saison ! … ».
La vie n’est décidément pas un long fleuve tranquille. « N’Zeté, l’orphelin (2) survivance », qui sonne comme une quête perpétuelle de la découverte de soi, selon le plan de l’Esprit infini, en est l’illustration. « La vie est un mystère, où le plus difficile reste la découverte de soi. Nous restons très longtemps à la merci des évènements extérieurs tout simplement parce que nous ne savons pas qui nous sommes exactement, selon la pensée et les plans du Tout Puissant pour nous », raconte l’auteure, poursuivant : « À un moment de ma vie, tournant mes regards pour un feed-back en arrière, je réalisai en fait que seulement cet Être Suprême Invisible, dont on disait qu’il incarne le commencement et la fin de toute chose, pouvait l’avoir voulu ; que je sois encore en vie. À ce moment où je fêtais pour bientôt mes vingt et une année d’âge ; je savais que le Seigneur était un fin stratège et le maître absolu des circonstances. J’avais décidé d’aller à la recherche de mon père biologique, si tant il est vrai qu’il vivait encore ». Une histoire qui se termine par un soulagement, celui d’avoir pu résoudre l’énigme de la quête de soi. « Maintenant que je savais d’où je venais et qui j’étais dans mes racines généalogiques, tant paternelles que maternelles, je pouvais avancer avec courage, sans peur de me perdre dans les méandres de la vie. Cette vie parfois cruelle et sans cœur ! ».
« Rose épine », un roman, et « Fange », une nouvelle, les deux œuvres littéraires de la jeune auteure camerounaise, Nathalie Ketchabia, que nous avons eu le bonheur de recenser, sont de genres différents et racontent des histoires qui font la vie quotidienne intergénérationnelle d’ici et d’ailleurs. Les productions sont écrites dans un style clair, facilement compréhensible, avec de l’esprit en prime.
À lire absolument !
Jean-Célestin Edjangué
*Nathalie Ketchabia, Rose épine, 157 pages, Le Lys Bleu éditions, 2024, Paris, 17 euros. *Nathalie Ketchabia, Fange, 119 pages, Le Lys Bleu éditions, 2025, Paris, 15 euros.

