Militante de l’UPC-Manidem, membre de la Dynamique unitaire panafricaine (DUP), cette camerounaise d’origine, qui revêt un habit noir depuis plusieurs années en signe de protestation contre le régime du président Paul Biya et la répression policière vis-à-vis des opposants politiques et des journalistes, pose un regard lucide sans complaisance sur la vie politique au Cameroun et la présidentielle de 2025. Renversant !

Quelle est votre analyse, en tant que membre de l’UPC-MANIDEM, de cette liste de 13 candidats validée par Elecam pour la présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun ?

Tout d’abord, je voudrais savoir sur quelles bases ELECAM (Election Cameroun) a accepté 83 dossiers de candidatures. Il y avait trois candidatures des « UPC » (alors que toutes ne sont pas légales), deux candidatures du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie, plusieurs candidatures RDPC, et enfin plus d’une dizaine de candidatures indépendantes dont personne ne sait si elles remplissaient les conditions requises dans ce cas de figure, à savoir avoir le soutien de 300 élus issus de toutes les régions du pays. Or le rôle d’ELECAM est, entre autres, de vérifier la recevabilité des candidatures, leur conformité avec les critères requis pour déposer une candidature. Pour ce qui est de la liste de 13 candidats retenue, là encore sur quelles bases. Certains sont bien connus, d’autres ne le sont pas du tout. Et des candidats, tel Maurice Kamto, sont éliminés sous des prétextes totalement fallacieux de présentation d’un autre candidat de la même organisation (candidature fabriquée de toutes pièces par le pouvoir, avec de nombreux éléments de preuves à l’appui). Le régime RDPC a pris comme stratégie, depuis les années 90, de s’immiscer dans les affaires intérieures des partis en créant des divisions ou en utilisant celles existant. L’UPC a été la première organisation à en faire les frais, bien d’autres ont suivi depuis. Pour un organe censé superviser les élections, la première des choses est de veiller à ce que les candidats soient en état physique et mentale d’assumer la fonction présidentielle, or Paul Biya a montré depuis de nombreuses années que ce n’était plus le cas. Tous ces éléments nous amènent qu’une fois de plus le pouvoir va, veut contrôler le processus en sa faveur.

Que pensez-vous du rejet de la candidature de Maurice Kamto, candidat du Manidem ?

Le rejet de la candidature de Maurice Kamto est totalement injuste, et ne devrait pas avoir lieu d’être, mais elle nous conforte malheureusement dans l’idée que ce pouvoir ne sera pas vaincu par la voie électorale telle qu’elle se pratique depuis plus de 40 ans. Elle nous confirme dans l’idée que seule la mobilisation populaire pourra imposer la volonté du peuple. Le Cameroun n’est pas une démocratie, il n’est pas un pays de droit. Ce pouvoir néocolonial joue une comédie en se drapant de l’enveloppe, en créant les institutions requises, notamment par les bailleurs de fond, mais en les contrôlant toutes à son profit : c’est le cas de l’intégralité des structures en charge du processus électoral où les membres du RDPC maitrisent tout, mais également de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la cour suprême, de la cour constitutionnelle (qui n’a jamais contredit une décision d’état). Tout est en place, mais l’état/RDPC a la main mise sur tout. La légalité de l’UPC-MANIDEM n’est pas reconnue à ce jour malgré deux décisions de la Cour suprême et de la commission africaines des droits de l’Homme et des Peuples. Cela permet de créer l’illusion auprès de l’opinion publique nationale et internationale et à leur soutien étrangers de continuer à les soutenir en faisant valoir que les règles du jeu sont respectées. Cela retarde également les mobilisations populaires, car le peuple pense pouvoir changer par la voie électorale. C’est pourquoi l’UPC-MANIDEM prône dans le cadre de Stand up for Cameroon : la Transition Politique. Pratiquement nulle part en Afrique, on a assisté à un changement populaire sans mobilisation conséquente du peuple.

Le climat politique actuel au Cameroun, peut-il faire craindre une présidentielle mouvementée le 12 octobre prochain ?

Il ne faut pas attendre le 12 octobre 2025, la mobilisation doit se construire dès maintenant, le maximum d’organisations de diverses natures : politiques, syndicales, associatives aussi les religieux honnêtes et courageux ainsi que les structures traditionnelles qui osent se démarquer du pouvoir, ainsi que les citoyen.nes conscient.es doivent se mobiliser, mettre en place diverses stratégies : sittings massifs, pétitions, grèves, blocages des routes, construire une mobilisation dans toutes les régions sur la base des revendications communes : état des routes, délestage, coupures d’eau, délabrement de l’enseignement, du secteur sanitaire, vie chère…  Seule une vaste mobilisation populaire pour imposer la Transition Politique et maintenant, n’attendons pas, n’attendons plus.

Recueilli par J.-C. Edjangué

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