On en sait un plus des motivations de la nouvelle junte au pouvoir et des raisons du putsch de ce vendredi à Ouagadougou. Alors que la CEDEAO condamne ce nouveau coup de force, la nouvelle junte tente de rassurer.

Moins de 24 heures après avoir démis de la tête de la junte et du MPSR, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, la nouvelle junte conduite par le capitaine Ibrahim Traoré, dévoile progressivement ses intentions et permet du coup de voir plus clair sur ce qui s’est passé depuis vendredi 30 septembre dans la capitale du Faso. Ce d’autant plus que le capitaine Ibrahim Traoré s’est officiellement exprimé sur la situation actuelle et les raisons de la colère des militaires : « Nous déplorons cette bourgeoisie de la hiérarchie ! Les gens sont en train de devenir des milliardaires. Nous pouvons prendre le président en 05 min de combat. Nous tenons nos positions ! Nous contrôlons le camp Baba Sy et la RTB. Nous avons nos plans et nos partenaires avec qui nous voulons travailler ! Au début, nous n’avions pas besoin de 12 mois pour prendre 60% du territoire. Je n’ai pas décidé, j’ai été choisi ! Je suis resté une semaine à Ouaga pour parler au Président, mais rien. La CEDEAO n’a pas à s’inquiéter, leur calendrier est large. Les civiles vont choisir leur président et on va continuer le combat », a-t-il déclaré sur Voice Africa, ce samedi 1er octobre.

Coup d’état au Burkina

Plusieurs griefs

Selon de nombreux observateurs avertis de la vie politique, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damila est le fossoyeur de sa propre tombe. Il aurait dévié des objectifs que la junte s’est fixée à l’issue du coup d’État de janvier dernier. « Les attentes étaient énormes. La junte était vue comme le régime qui allait relever le Burkina Faso depuis la chute et la fuite de Balise Compaoré à l’étranger. Or, non seulement la junte du président Damiba n’a pas redonné confiance à la population, mais elle a même contribué à accroître les divisions entre burkinabés, les dressants les uns contre les autres. Comment ? La pseudo rencontre avec les anciens présidents du Faso, en juillet dernier, à laquelle devait se retrouver côte à côte, notamment, Roch Marc Christian Kaboré, renversé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba lors du putsch du 24 janvier 2022, et Blaise Compaoré, qui venait d’être condamné par contumace à Ouagadougou à la prison à perpétuité pour « complicité d’assassinats » et « atteinte à la sûreté de l’État ». La rencontre qui voulait montrer la volonté de la junte d’œuvrer pour la réconciliation nationale, s’est soldée par un fiasco monumental, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba s’étant retrouvé seul avec Blaise Compaoré. Pire, la venue de celui-ci à Ouaga en dépit d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui, a été vécu par la famille et amis de Thomas Sankara comme une provocation orchestrée par le président de Transition et la junte.

De même, l’affaire Ollo Mathias Kambou, militant du mouvement le « Balai citoyen », interpellé à la sortie d’une émission de télévision dans une chaîne privée au lendemain de l’adresse du 4 septembre de Paul-Henri Damiba, avant d’être déféré à la maison d’arrêt de correction de Ouagadougou. Ollo Mathias Kambou avait alors publié sur Facebook, une réaction peu élogieuse à l’endroit du chef de la junte. « « Ce sont ses publications sur les réseaux sociaux qui sont incriminés et non ses interventions sur les plateaux de télévision » avait indiqué l’un de ses avocats avant de préciser : « Ollo Mathias Kambou est finalement poursuivi pour « outrage au chef d’État ». « C’est la première fois qu’on retient cette charge contre une personne au Burkina Faso ».

Ce samedi, la situation était encore tendue à Ouagadougou, des manifestations ont même eu lieu aux abords de l’Ambassade de France où des bâtiments ont été incendiés, provoquant une réaction du Quai d’Orsay « condamnant avec la plus grande fermeté » ces violences.

Nouvel homme fort de Ouaga : qui est Ibrahim Traoré ?

Âgé de 34 ans, ce jeune officier a participé au renversement de Roch Marc Christian Kaboré le 24 janvier 2022. Jusqu’à vendredi dernier, il était chef d’artillerie du 10e Régiment de commandement d’appui et de soutien basé à Kaya. Il dit avoir passé plus d’une semaine auprès du président de Transition, pour tenter de la convaincre de retrouver la ligne directrice des engagements pris par le MPSR après le coup d’État de janvier dernier, en vain. Il est alors désigné au sein du groupe putschiste pour prendre la tête du Mouvement patriotique pour la restauration et le sauvegarde après la chute du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba. Etudiant à l’université de Ouagadougou en 2006, Ibrahim Traoré sort major de sa promotion avec une licence en géologie fondamentale et appliquée. En 2009, il décide alors d’intégrer les forces armées burkinabè et l’année suivante, il est recruté pour le compte de la 12e promotion de l’Académie militaire Georges Namoano de Pô qui abrite le centre d’entraînement commando.

Celui qui dit haut et fort qu’il n’est pas intéressé personnellement pas le pouvoir, promettant de le restituer rapidement aux civiles, tiendra-t-il parole ? on ne perd rien à attendre…

Jean-Célestin Edjangué

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