Journaliste, Vice-Président de l’Union de la presse francophone (UPF), il pose son regard sur la situation politique au Cameroun. Eclairant.
Quel regard, le journaliste d’origine ivoirienne, Vice-président de l’UPF, porte-t-il sur la situation politique et sociale au Cameroun au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025 ?
Depuis la fermeture des bureaux de vote et dans l’expectative de la proclamation des résultats, j’observe que la situation est extrêmement tendue et fragile. J’observe aussi une défiance généralisée envers les institutions électorales, une polarisation politique et communautaire alarmante, et une guerre de l’information sur les réseaux sociaux qui attise malheureusement les passions. En tant que journaliste et patron de presse, j’insiste sur la responsabilité cruciale des médias camerounais en cette période d’agitation. Ils doivent résister aux pressions, vérifier scrupuleusement les informations et privilégier un journalisme de raison pour éviter de jeter de l’huile sur le feu.
En quoi cette situation peut-elle être comparable à celle de la Côte d’Ivoire après la présidentielle de 2011 ?
La similitude la plus frappante serait le scénario du pire. Lors de la crise postélectorale de 2010 et 2011 en Côte d’Ivoire, la contestation du verdict des urnes par les deux camps avait conduit à une fracture profonde et à un conflit armé qui s’était soldé par trois mille morts. Aujourd’hui au Cameroun, le principal risque serait le refus des parties de reconnaître la légitimité du futur président déclaré. Une situation qui pourrait plonger le pays dans une crise postélectorale. La leçon ivoirienne est qu’il est extrêmement dangereux d’avoir deux présidents autoproclamés et que la communauté internationale soit amenée à jouer un rôle ambigu. Comme en Côte d’Ivoire, la politisation des clivages identitaires et l’enrôlement d’une jeunesse manipulée sont des moteurs de violence redoutables. La leçon ivoirienne est claire. Un conflit électoral qui dégénère en violence identitaire laisse des cicatrices profondes et une reconstruction longue et douloureuse. Le Cameroun doit tout faire pour éviter le scenario du pire.
Le Cameroun peut-il retrouver le calme et la sérénité ?
Oui, mais sous conditions. Le calme ou du moins la paix sociale reviendra à condition qu’il y ait une transparence absolue dans la proclamation des résultats, un appel au calme de tous les leaders politiques, le recours exclusif aux voies légales pour toute contestation et enfin la mise en place urgente d’un dialogue national sincère pour apaiser les griefs profonds. Le Cameroun est à un moment décisif, en tant qu’Africain fraternel, j’espère que les leaders politiques et la société choisiront la voie de la sagesse plutôt que la division.
Recueilli Par J.-C. Edjangué