La croissance démographique mondiale génère l’installation de nouveaux arrivants, par milliers dans les centres urbains, dans des constructions anarchiques. Les pouvoirs publics doivent intervenir pour tenter de garantir le vivre ensemble.
Le déguerpissement consiste, pour des motifs d’utilité publique, à forcer des occupants d’une terre ou d’un espace, appartenant à l’État, à l’évacuer pour occupation illégale. Cette opération se justifie donc dans la volonté de la puissance publique à rétablir l’ordre, notamment en matière de protection de l’environnement. Un habitat est une aire où vit une population. La qualité de l’habitat a un impact indéniable sur la qualité de vie et le bien-être des populations concernées, ainsi que les bâtiments et le groupe familial. Un habitant précaire se caractérise par son côté spontané, synonyme de pauvreté et généralement par l’illégalité de ses occupants, préoccupés surtout d’avoir le clos et le couvert, le strict minimum pour survivre. La cohésion sociale suppose un contrat social favorisant l’intégration des individus, leur attachement au groupe et leur participation à la vie sociale. Les membres du groupe partagent un même ensemble de valeurs et des règles de vie qui sont acceptées par chacun. Malgré cette adhésion au contrat social, des antagonismes et des conflits sociaux peuvent surgir sans que cela mette véritablement en cause la cohésion sociale. L’idée de cohésion sociale remonte probablement à la notion d’asabiyya, théorisée en 1377 par le philosophe et historien arabe Ibn Khaldoun dans ses Prolégomènes, ouvrage qui met en exergue l’émergence d’une conception musulmane de l’histoire universelle. Alors que l’expression proprement dite, elle a été diffusée par le sociologue Émile Durkheim dans son ouvrage de 1893, De la division du travail social. Mais il faut attendre la fin du XXᵉ siècle pour voir le concept être utilisé dans le débat public. La problématique est de savoir comment favoriser le vivre-ensemble dans la cité face à la démographie galopante et l’habitat précaire dans les centres urbains. Une réalité qui favorise la création des bidonvilles.
« 3 milliards d’habitants dans les quartiers précaires en 2050 »
Chef de projet et expert principal de la Division collectivités locales et développement humain, à l’Agence française de développement(AFD), Pierre-Arnaud Barthel analyse le phénomène des habitats précaires, expliquant que les pays en développement n’ont pas l’exclusivité de cette réalité : « Les bidonvilles sont d’ailleurs réapparus dans l’hémisphère nord, et surtout en Europe dans les années 2000. Les quartiers précaires ont une racine commune au Nord et au Sud, qui sont les logiques de spéculation, de financiarisation de l’immobilier ». Il souligne que « Ces pratiques ont accentué l’iniquité dans l’accès au logement et raréfié les offres adaptées aux moyens des familles. La faiblesse de la réponse publique et l’accentuation des migrations sont aussi des explications communes. Aujourd’hui, on estime qu’un milliard de personnes vivent dans des quartiers précaires dans le monde. Cette population a tendance à s’accroître et va vers les trois milliards d’habitants en 2050 ». L’Afrique, continent de 30 000 000 km² et de plus d’1 milliard d’habitants, est concernée, au même titre que bien des régions en développement, par le fléau de l’urbanisation sauvage des centres-villes. Une situation qui va certainement continuer, en parallèle avec la croissance démographique du continent. « Dans les pays les plus pauvres du monde, jusqu’à 90 % de la population vit dans des quartiers précaires. Le développement des bidonvilles est la conséquence directe de politiques urbaines défaillantes et d’un coût trop élevé du logement », souligne encore l’expert, qui confirme l’inégalité du fléau entre les régions les plus riches et celles les plus pauvres : « Cependant, les pays les plus affectés par le phénomène des quartiers précaires sont les pays les moins avancés (PMA) et les pays en crise. Par exemple, au Tchad, au Soudan ou en Centrafrique, qui font partie des pays les plus pauvres du monde, 90 % de la population urbaine vit dans des quartiers précaires. Dans les pays plus développés, la proportion de la population urbaine vivant dans des quartiers précaires oscille de 30 à 60 %. Le niveau de développement d’un pays et le nombre d’habitants vivant dans des quartiers précaires sont largement corrélés », martèle-t-il. Reste la question de savoir comment résoudre le problème des quartiers et habitants précaires et favoriser la cohésion sociale.
Elaborer une vraie politique de logements sociaux
C’est le lieu d’interroger la volonté politique des dirigeants et décideurs. Quelle idée ont-ils de l’urbanisation et de l’esthétique urbaine ? Quelle vision de la ville quand on sait que les capitales et autres mégapoles absorbent en moyenne 100 000 à 150 000 nouveaux arrivants par an. Pour Pierre-Arnaud Barthel, de l’AFD, « Il y a des solutions pour régulariser les habitants de ces quartiers en leur donnant des titres de propriété. Mais il y a surtout un travail sur la planification des villes à effectuer : les aider à avoir des outils de gestion de l’espace public plus transparents, des règles de construction plus claires, sur ce qui devrait être constructible ou non, par exemple ». Il ajoute, concernant l’attitude de son agence, « L’AFD a été assez militante sur ce sujet. Nous faisons partie des bailleurs qui poussent depuis le début des années 2000 pour la remise à niveau et le développement in situ, et non pour la logique de la démolition. Cependant, lorsqu’on se retrouve face à un quartier précaire construit sur un étage en plein milieu d’une ville, il y a une certaine contradiction. L’AFD défend une mise à niveau des quartiers précaires, mais aussi une ville dense pour des raisons de durabilité. Ce sont cependant des quartiers très évolutifs, l’idée consiste donc à accompagner leur évolution ». Dans un rapport présenté, en avril 2017, au Conseil économique et social, par Dominique Allaume-Bobe, rapporteure au nom de la section de l’environnement, sous le titre « La qualité de l’habitat, condition environnementale du bien-être et du mieux vivre ensemble », un habitat accueillant doit pouvoir intégrer toutes les composantes de la population, être capable d’absorber les nouveaux arrivants en mettant au service de l’ensemble de la communauté, les atouts et différences de chacun. Une cohésion sociale qui nécessité de l’adhésion de tous au contrat social consenti par toutes les parties.
Par Jean-Célestin Edjangué