Un Camerounais d’origine, Docteur en Pharmacie, Maître de recherche en Biochimie clinique, Chercheur en Cancérologie, vient de publier une étude, à l’Institut Gustave Roussy, dans le cadre du Diplôme universitaire (DU) en innovations thérapeutiques cancéreuses, sous la direction de Sophie Broutin et Arnaud Bayle
« En France, l’incidence du cancer était estimée à 385 000 nouveaux cas en 2015, représentés par 211 000 hommes et 174 000 femmes avec un sex-ratio de 1,2 (…). Le dernier rapport publié par l’InVS en janvier 2018, montre qu’en 2017 en France métropolitaine, le nombre de nouveaux cas de cancer est de 214 000 chez l’homme et 185 5000 chez la femme(…). Par rapport à 2015, ce taux est en augmentation de 1,4% pour l’homme et de 5,9% pour la femme. Chez les hommes, l’incidence est la plus élevée pour le cancer de la prostate, le cancer du poumon et le cancer colorectal. En revanche, chez les femmes, le cancer du sein est le plus fréquent suivi par le cancer colorectal et le cancer du poumon (..). » Les premières lignes de l’introduction d’une dizaine de pages campe le décor de l’étude concernant l’évolution du nombre de nouveaux cas de cancers en France, entre 2015 et 2018, année du dernier rapport de l’InVS sur le sujet. Avec une augmentation du nombre de nouveaux cas plus importantes chez l’homme, notamment le cancer de la prostate, du poumon et colorectal, que chez la femme où le cancer du sein arrive en tête devant le colorectal et le cancer du poumon. Des chiffres qui ont une incidence incontestable. « Concernant la mortalité, le cancer représentait, en 2015, 8,8 millions de décès dans le monde dont 150 000 en France(…). Cette pathologie est l’une des principales causes de décès au côté des maladies infectieuses et des maladies du système cardiovasculaire. Selon les projections de l’OMS la mortalité causée par le cancer atteindra 13,1 millions de décès en 2030 dans le monde (…). Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer chez les hommes suivi par les cancers colorectaux et de la prostate. Chez les femmes, 65 000 décès ont été comptabilisés en 2015 principalement dus au cancer du sein suivis par le cancer du poumon et le cancer colorectal. Contrairement à l’incidence, le taux de mortalité par cancer est en constante diminution (…). Cette tendance s’explique par une amélioration du dépistage qui se fait plus précocement, de la prise en charge du patient et de l’apparition de nouveaux médicaments. La survie à 5 ans est également en progression mais il existe une disparité entre les cancers. » Or, nombre de spécialistes affirment qu’il n’y a pas de fatalité en la matière. « Selon l’OMS, un tiers des cancers serait évitable(…). Plusieurs programmes de prévention du cancer ont été mis en place notamment par la lutte contre le tabagisme. En effet, ce dernier représente un facteur de risque élevé de développement de cancer mais reste un facteur de risque évitable. Il est à l’origine de 22% des décès par cancers par an. D’autres facteurs de risques sont également imputés au mode de vie. La sédentarité, l’obésité et le surpoids ainsi que l’alimentation et la consommation d’alcool influencent directement sur la survenue du cancer. Des programmes nationaux sont mis en place dans plusieurs pays afin de former la population à adopter un mode de vie sain. La pollution environnementale que ce soit en extérieur ou à l’intérieur des habitations, constitue un facteur de risque en nette augmentation dans les pays en développement, particulièrement en Asie où l’utilisation du charbon comme principale source d’énergie entraine une pollution importante de l’air environnant. », note l’étude, rappelant par ailleurs : « De plus, une étude menée en France, en 2016 en collaboration avec le réseau français des registres des cancers, a montré qu’il existait une influence socio-économique sur l’incidence des cancers (…). Les résultats obtenus ont mis en évidence l’augmentation du risque de cancer des voies pulmonaires et digestives chez les populations appartenant aux classes sociales modestes. En effet, ces dernières sont plus facilement exposées aux facteurs de risques (tabagisme, exposition professionnelle, polluants atmosphériques). » Cette partie introductive se termine par la « Physiopathologie des tumeurs », avec une définition du mot cancer, qui Selon l’OMS, « est un terme générique regroupant un ensemble de maladies capables de se développer dans toutes les parties de l’organisme » et les caractéristiques des cellules cancéreuses : « Plusieurs caractéristiques communes sont retrouvées aux cellules cancéreuses. Dans les années 2000, Hanahan et Weinberg identifient ces caractéristiques et les désignes sous le terme de « Hallmarks of cancer » (…) :
- Maintien des signaux de prolifération avec une perte d’inhibition de contact
- Echappement aux signaux d’arrêt de croissance
- Evitement aux cellules du système immunitaire
- Arrêt de l’apoptose et immortalité
- Promotion de l’inflammation
- Capacité d’évasion et de métastase
- Induction de l’angiogenèse
- Instabilité génomique
- Résistance à la mort cellulaire
- Dérégulation du métabolisme énergétique
Connaître ces caractéristiques permet de déterminer et comprendre de manière plus spécifique les événements qui sont à l’origine de l’émergence et du maintien du phénotype tumoral. »
Thérapies ciblées anti-tumorales
« La médecine personnalisée ou médecine de précision est une pratique médicale qui considère des paramètres biologiques, les biomarqueurs, pour améliorer la prise en charge thérapeutique des patients et déterminer le bon traitement à la bonne dose. Elle permet de traiter avec précision la pathologie en s’intéressant à l’individu dans sa globalité au lieu de se référer à un groupe témoin (…). », mentionne le premier paragraphe de cette partie qui représente l’un des deux chapitres au coeur du sujet, poursuivant : « La médecine de précision constitue une voie prometteuse en cancérologie. Cette approche permet de traiter chaque patient de façon individualisée en fonction des spécificités génétiques et biologiques de sa tumeur tout en tenant compte de son environnement et de son mode de vie. En effet, les facteurs génétiques et biologiques possèdent une influence directe sur l’évolution de la maladie mais aussi sur l’efficacité et la sécurité du traitement. Le concept de la médecine personnalisée repose sur la connaissance de ces différences au niveau individuel, afin de donner les traitements les plus adaptés (…). Par exemple, sur 10 patients recevant un même traitement, il est estimé que la moitié seulement en tire un bénéfice ; pour l’autre moitié, le traitement n’a soit aucun effet soit induit des effets indésirables (…). Il s’agit alors d’anticiper, grâce à un test diagnostic, les patients pour qui le traitement serait le plus bénéfique et ceux pour qui il ne le serait pas. ». Et d’insister : « L’application de la médecine personnalisée est déjà une réalité dans certains domaines notamment grâce aux progrès en génétique, en protéomique, en imagerie médicale et en thérapeutique. L’application de la médecine de précision repose essentiellement sur le dosage ou la détection de marqueurs biologiques pour adapter le traitement et sa posologie. C’est par exemple en mesurant la glycémie d’un patient que la dose d’insuline à injecter est déterminée. Dans le domaine de la cancérologie, la médecine personnalisée a connu de grands bouleversements grâce à la connaissance approfondie du fonctionnement de la cellule cancéreuse. »
Les biothérapies et thérapies ciblées, découverte et développement de biomarqueurs, des tests et marqueurs compagnons, complètent ce chapitre, avec des tableaux qui illustrent le propos.
Classe pharmaco- logique | Molécules de thérapie ciblée | Indication(s) | Mécanisme pharmaco- logique | Effets indésirables | |||||
Anticorps monoclona | Cetuximab (Erbitux®) | Cancer colorectal Carcinome épidermoïdes de la tête et du cou | Anti-EGFR | Bronchospasme Hypotension | |||||
Bevacizumab (Avastin®) | Cancer bronchique non à petites cellules Cancer colorectal Cancer du sein | Anti-VEGF | Risque thrombo- embolique Hypertension artérielle | ||||||
Trastuzumab (Herceptin®) | Cancer du sein | Anti-Her2 | Cardiotoxicité | ||||||
Rituximab(Mabthera®) | Leucémie lymphoïde chronique Lymphome non hodgkinien | Anti-CD20 | Syndrome de Stevens Johnson Dyspnée/ Bronchospasme | ||||||
Pembrolizumab (Keytruda®) | Mélanome | Anti-PD1 | Anémie Pneumopathie inflammatoire Réaction cutanée | ||||||
Inhibiteur tyrosine kinase | Imatinib (Glivec®) | Leucémie myéloïde chronique | Anti-BCR/ABL | Œdème secondaire Insuffisance cardiaque | |||||
Sunitinib (Sutent®) | Cancer du rein | Anti- PDGFR/VEGFR /KIT/FLT3/CSF- 1R/RET | Trouble du rythme Hypothyroïdie Coloration jaune de la peau Dysgueusie | ||||||
Erlotini (Tarceva®) | Cancer bronchique non à petites cellules | Anti-EGFR | Diarrhée Rashs cutanés Acné | ||||||
Tableau : Liste des principales biothérapies utilisées en cancérologie
L’avènement de la médecine génomique
« L’ADN est un enchaînement de nucléotides (A= adénine, T= thymidine, G= guanidine, C=cytosine) liés entre eux par des ponts phosphodiesters. Un gène est une partie d’ADN constitué d’un promoteur qui contrôle son expression dans le temps et dans l’espace. Il est composé de séquence codante et non codante. Les séquences codantes permettent d’obtenir une protéine via l’ARN messager (ARNm) alors que les séquences non codantes peuvent jouer un rôle de régulation d’expression. », explique le médecin, précisant : « Les variations individuelles, ou polymorphismes génétiques, se définissent comme un changement dans la séquence d’un gène ou d’une partie régulatrice de l’ADN. Ce changement peut être de plusieurs types :
- Substitution de nucléotide (changement d’une base par une autre)
- Délétion d’une partie d’un gène (perte d’un ou plusieurs nucléotides)
- Duplication du gène ou d’une partie du gène
- Insertion d’une ou plusieurs bases
- Translocation génétique (échange de matériels génétiques entre deux chromosomes non homologues)
L’exemple de polymorphisme fréquemment rencontré est le SNP pour « single nucleotide polymorphism » c’est-à-dire la modification ponctuelle d’un seul nucléotide au niveau de
la séquence d’ADN [102]. Cette modification peut être soit liée à une insertion ou délétion d’un nucléotide, soit à une substitution d’une base par une autre. Ces changements entraînent des variations au sein de la population. Le polymorphisme génétique est généralement classé selon l’impact possible sur la protéine. Si ces modifications de l’enchainement de nucléotides provoquent un impact délétère sur l’expression génique et, par conséquent, sur le phénotype des cellules, il s’agit alors de mutations. ». La pharmacogénétique, « une notion introduite dans les années 1950 et permet de déterminer quel médicament et à quelle dose donner au patient en fonction de son profil génétique », généralement utilisée pour déterminer les variations génétiques des patients pour en prédire la réponse, et la pharmacogénomique « utilise l’information génétique pour améliorer l’efficacité clinique de la pharmacothérapie », de même que les « Applications des biomarqueurs dans le cancer », « l’Etude clinique conduite par les biomarqueurs », enrichissent cette deuxième partie d’informations qui participent à une meilleure connaissance du sujet.
Que dire au terme de cette étude capitale dont la contribution à une meilleure connaissance du cancer en France n’est plus à démontrer ? « En 2015, le cancer représentait 8,8 millions de décès dans le monde dont 150 000 en France et était l’une des principales causes de décès au côté des maladies infectieuses et des pathologies cardiovasculaires (…) à. Le cancer se définit par une prolifération anormale et incontrôlée de cellules causée par un échappement aux mécanismes de régulation du cycle cellulaire. Les cellules cancéreuses présentent plusieurs caractéristiques pouvant être la cible de biomédicaments. Par exemple, l’Avastin® ou bévacizumab bloque la vascularisation tumorale, l’Erbitux® ou cétuximab est un anticorps bloquant le récepteur au facteur de croissance EGF. Cependant, bien qu’ayant une autorisation de mise sur le marché, de nombreuses thérapies ciblées se montrent décevantes. Une étude menée en 2017 au King’s college London par le Dr Courtney et son équipe montre que sur 68 nouvelles indications de biomédicaments autorisées par l’EMA entre 2009 et 2013, seules 35 soit 51% permettent une augmentation de la survie ou de la qualité de vie(…). Le coût moyen pour une thérapie ciblée en France étant estimé à 50 000 euros par an et par patient, l’inefficacité pour certains patients des anticancéreux actuellement sur le marché représente une perte financière considérable (…). », conclut l’étude dont la pertinence et l’intérêt sont à saluer.
Par Jean-Célestin Edjangué à Paris