Journaliste et homme politique béninois, considéré comme principal opposant au régime du président patrice Talon, il parle de son dernier ouvrage et de la situation politique de son pays aujourd’hui.
Vous venez de publier, chez Fauves Éditions, à Paris, « De Cotonou à Paris : Carnets d’un exilé politique en France ». C’est votre troisième ouvrage depuis votre arrivée dans l’hexagone. Comment est née l’idée de ce projet d’écriture et quel en est le but ?
Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, le 6 avril 2016, le Bénin ne veille plus au respect des principes de la liberté, de la démocratie, de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La démocratie béninoise est confisquée avec pour conséquence immédiate, la violation massive des droits humains : le massacre des populations civiles, l’emprisonnement des opposants politiques, journalistes indépendants, web, activistes et défenseurs des droits humains et la contrainte à l’exil des centaines de voix critiques.
Que faire pour que ces crimes ne restent pas impunis comme cela a été le cas avec la dictature de l’ancien président Mathieu Kérékou ? La seule réponse que j’ai eu à trouver est d’écrire pour laisser des traces pour l’avenir et pour l’histoire afin que des comptes soient demandés aux auteurs, coauteurs, complices et donneurs d’ordres de ces crimes, à commencer par Patrice Talon.
L’oubli est un crime. L’oubli protège et encourage les criminels à revenir sur les lieux de leurs crimes pour récidiver. Le Bénin ne sera plus une terre d’impunité pour les crimes de sang et économiques. C’est pourquoi après « Le Casse du siècle » sorti en 2018, « Résistons » en 2019, je viens de publier « De Cotonou à Paris : Carnets d’un exilé politique en France », un témoignage sur mon parcours de réfugié politique de Cotonou à Paris en passant par Lomé. Ce livre révèle les raisons de mon exil en France, les persécutions subies, les démarches administratives entreprises (longues et complexes) pour obtenir la protection internationale, la situation des droits humains au Bénin et bien d’autres sujets connexes.
Dans cet ouvrage de 128 pages, vous abordez notamment la question de la répression orchestrée par le régime du président Talon, avec notamment l’aggravation de la situation des droits de l’homme. Comment pensez-vous que le Bénin et les Béninois puissent sortir de ce triste quotidien ?
Le Bénin déprime. Et la seule et unique solution juste et durable pour déconfiner la démocratie et tracer un nouveau chemin démocratique pour le Bénin, c’est la lutte. Il n’y aura pas de miracle. Les Béninoises et Béninois doivent s’engager pour sauver le Bénin, dans l’unité et la cohésion. Si nous ne luttons pas, nous mourrons tous, un à un, les uns après les autres. « De Cotonou à Paris : Carnets d’un exilé politique en France » vient rappeler la nécessité de poursuivre la lutte jusqu’à la victoire finale.
En quoi la littérature peut-elle participer au combat citoyen pour la démocratie ?
La littérature, c’est la mémoire. Elle est très utile dans un combat citoyen ou politique. Le pouvoir de la littérature rend visible la dictature dans ses effets les plus concrets. La littérature est une arme efficace, un moyen d’action. Elle permet d’informer, de sensibiliser, de laisser des traces, de rafraichir la mémoire, d’éviter l’oubli, de prendre à témoin, d’alerter, de prévenir, de dénoncer…
Elle a aussi un caractère dissuasif. Les auteurs des violations des droits humains au Bénin savent qu’ils sont surveillés, que leurs noms, faits et gestes sont enregistrés et publiés et qu’ils rendront compte tôt ou tard. Nous y veillerons.
Recueilli par Jean-Célestin Edjangué