Historien, traducteur, éditeur et auteur béninois, à qui l’on doit notamment Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine (1996) Pouchkine et le monde noir (2000) Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siecle (et Yao Modzinou 2008) Abraham Hanibal: Prince of Logone, Pushkin’s african ancestor (et Edyth Watt 2015, il a été distingué au colloque sur le « Récit et origines des littératures africaines et diasporiques », les 6 et 7 mars derniers à Rabat. Il revient sur cette rencontre, forcément particulière pour lui.
Vous avez reçu le prix de l’Académie du Royaume du Maroc pour l’ensemble de votre œuvre. Vos impressions ?
Ma présence au colloque sur le « Récit des origines et la datation des littératures africaines et diasporiques, a été très fructueuse, à travers les échanges qu’il y a eus avec les collègues, les autres professeurs, chercheurs invités, Marocains et des différents pays Européens, Africains et Américains. Pour moi, le moment très fort a été l’agréable surprise de m’être vu décerné le trophée de l’Académie du royaume du Maroc, par le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, pour l’ensemble de mon œuvre d’historien sur la diaspora africaine, et en particulièrement, sur l’Aïeul Africain de Pouchkine, Abraham Hanibal, pour avoir démontré son origine camerounaise.
Comment avez-vous apprécié votre présence tout de ce colloque international à Rabat ?
Ma présence dans le cadre de ce colloque s’est faite en deux temps. D’abord les travaux du colloque et le trophée qui l’a été remis, puis, le 11 mars, à Ben Guérir, à quelques heures de Rabat, où se trouve une des plus grandes universités polytechniques du continent africain, l’université Mohammed VI polytechnique de Ben Guérir. J’y ai rencontré les étudiants de cette université, nous avons parlé de lettres et de sciences. De Pouchkine, on a plutôt parlé de son bisaïeul, son arrière-grand-père, le célèbre mathématicien, ingénieur, général et fortificateur de la Russie du 18ᵉ siècle, qui fut, entre autres, l’auteur de deux traités. Un traité de géométrie pratique et un traité sur l’art des fortifications. Nous avons parlé de sa vie, sa carrière d’ingénieur, de directeur du corps des ingénieurs de l’Armée impériale russe au 18ᵉ siècle, et nous avons annoncé le tricentenaire à venir en 1725 et 1726 de la parution de ses deux ouvrages, il faut le dire, qui sont les premiers traités apparus en Russie sur la géométrie pratique et sur l’art des fortifications.
En quoi les écrivains des diasporas africaines contribuent-ils à la mémoire historique ?
L’un des volets de ce colloque a porté sur les littératures diasporiques. C’est un aspect qui me passionne et m’intéresse beaucoup depuis des décennies. Les contributions des Africains de la diaspora dans les pays, les terres d’accueil, terres de déportation, comme les Amériques. D’ailleurs, l’un des intervenants du colloque, le Pr. Marc Mvé Bekalé, de l’université de Reims, a communiqué sur les récits des anciens exclaves africains des États-Unis d’Amérique, et a donné l’exemple de Frédéric Douglas. Il était important de rappeler que dans la diaspora, en Europe ou dans les Amériques, les Africains ont laissé des marques importantes et ont été des auteurs clés dans les littératures de ces nations-là. On peut citer Dumas, en France, j’ai cité Alexandre Pouchkine sur lequel je travaille depuis plusieurs décennies. Surtout, dans ce travail de mémoire sur les littératures diasporiques, il y a ce qui se fait sur le continent africain.
À ce propos, les gouvernements ont-ils un rôle à jouer ?
Au Bénin, par exemple, le gouvernement investi des sommes considérables pour préserver et transmettre cette mémoire des Africains déportés en esclavage, à travers la construction d’un musée à Ouidah et la mise en place d’un Comité de préfiguration de la Cité-Musée de Ouidah, mis en place les 15 et 16 février 2024, et dont je suis un des membres. Ce Comité de préfiguration a pour mission de superviser tous les équipements mémoriels qui vont être mis en place, pour un meilleur accueil des afro-descendants, de toute cette diaspora qui revient en Afrique et en particulier au bénin, pour comprendre l’histoire de leurs ancêtres. Ce qu’on appelait la Porte de non-retour est devenue la Porte du retour. Il est important que ce travail se fasse, et que nous l’accompagnions. Ce que propose ici l’Académie du Royaume du Maroc, à travers ce colloque, a des perspectives qui ne vont pas se limiter à ces journées qui lui ont été consacrées. C’est donc un travail de long terme auquel nous devons tous participer et contribuer.
Recueilli par J.-C.E. en ligne.