La lettre du président Emmanuel Macron, datée du 30 juillet 2025, révélée le 12 août dernier, confessant le rôle de l’hexagone dans les tueries des acteurs indépendantistes du triangle national, interpelle les camerounais.
« Que la France reconnaisse qu’elle a mené une guerre au Cameroun, c’est une bonne chose. Mais, je pense que cette confession arrive trop tardivement. Et ce n’est pas faute d’avoir disposé des éléments nécessaires à la manifestation de la vérité. Les travaux effectués par des historiens, notamment Camerounais, à l’instar du professeur Daniel Abwa, décédé en 2024, à l’âge de 71 ans, et dont les travaux sur l’histoire coloniale au Cameroun, font autorité », indique le professeur Martin Ndendé, que nous avons joint au téléphone, mercredi dernier, 13 août, après-midi. Il insiste, comme pour souligner son incompréhension : « La France reconnaît qu’elle a conduit la guerre au Cameroun, mais elle ne semble pas vouloir en assumer la responsabilité », affirmant être intervenue pour répondre à l’appel du président Ahmadou Ahidjo dont le pouvoir était menacé par des mouvements « insurrectionnels ». Une incompréhension qui est d’autant plus grande que le propos du président Emmanuel Macron au sujet de l’élimination de Roland Félix Moumié peut laisser perplexe, assurant qu’il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour conclure au rôle de la France.
« L’assassin présumé de Félix Moumié est un Français »
Pour Marcel Tchangué, Membre fondateur de la Fondation et Chargé de mission de la Fondation Roland Félix Moumié, en Afrique de l’Ouest, « Le Cameroun a payé un lourd tribut dans la lutte pour l’indépendance. La reconnaissance de la guerre française au Cameroun intervient dans un contexte de défiance des populations de nombre de pays d’Afrique francophone subsaharienne, qui revendiquent leur histoire. Et même si la candidature de Maurice Kamto, sous les couleurs du Manidem, un parti panafricaniste, le Cameroun n’échappe pas à cette réalité ». M. Tchangué poursuit : « Dire que l’on ne dispose pas d’assez d’éléments pour prouver l’implication directe de la France dans l’empoisonnement de Roland Félix Moumié, c’est du mensonge. Tout le monde sait que Williaml Bechtel, l’agent du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, l’assassin présumé de Félix Moumié, est un Français ». Quant à Valéry Ngoué, membre de HWPL département France, une ONG internationale basée en Corée du Sud, qui milite pour la paix dans le monde, il ne peut cacher son émotion. « C’est déjà une fierté pour moi qui suis né dans une famille où le grand-père était au service de l’État et en même temps pour l’indépendance du Cameroun. Des services d’État sont venus plusieurs fois faire des fouilles à la maison du fait des soupçons des liens que mon grand-père avait avec des mouvements nationalistes camerounais. Mais c’est aussi une forme de justice qui est rendue pour reconnaître que ce combat était légitime face à la violence des troupes françaises. C’est donc, finalement, mettre en valeur ce combat à juste titre. Maintenant, il faut faire un travail d’éducation pour que cette histoire soit connue, racontée ». Un de ses parents est originaire d’Edéa, dans la Sanaga-Maritime. « Les Camerounais doivent être fiers de savoir que l’indépendance du pays a été arroché au prix de longues luttes et des sacrifices », conclut-il.
La perception des relations entre la France et le Cameroun, dans le contexte de lutte nationaliste pour l’indépendance, n’a pas fini de faire couler de l’encre.
Par J.-C. É.