Le 27-28 août 2022 EN TUNISIE

Lettre ouverte aux chefs d’États et des gouvernements

APPEL POUR LA CONSOLIDATION DE LA PAIX ET UNE ALTERNANCE DÉMOCRATIQUE AUX COMORES

Excellence, Messieurs les Présidents, chefs de gouvernements,

Alors que la Communauté internationale semble sous-estimer les conséquences politiques, socio-économiques, pour la paix et l’unité des Comores, de la non-gouvernance démocratique du régime du Président Azali ASSOUMANI, sachant l’importance du thème du TICAD 8, la Conférence Internationale de Tokyo sur le développement, Forum Japon-Afrique, qui se tient en Tunisie 27-28 août 2022, il me semble de mon devoir de vous prendre à témoins de la dégradation inquiétante de la situation des Comores. L’accent mis par cette conférence sur la paix et la sécurité en Afrique et l’engagement de TICAD pour le développement durable de l’Afrique dans la paix, au développement constitutionnel, à l’État de droit, à la crédibilité du système judiciaire, à la gouvernance démocratique des États africains et à une alternance démocratique en Afrique sont autant d’opportunités pour relayer au niveau international le message de détresse du peuple comorien pour une alternance démocratique et apaisée. L’engagement de la TICAD en faveur de la gouvernance démocratique, pour la paix, ses actions et initiatives pour trouver des solutions durables aux conflits, à l’instabilité en Afrique justifie l’espoir légitime d’obtenir l’engagement de la Conférence Internationale de Tokyo sur le développement, TICAD 8, qui se tient en Tunisie du 27 au 28 août 2022, pour une alternance démocratique et apaisée aux Comores.

La gouvernance non démocratique du colonel Azali Assoumani doit être dénoncée en ce qu’elle repose sur la tolérance à la corruption, aux détournements des derniers publics et des dons au profit de sa famille, ses proches et à l’arbitraire, des faits dont la gravité est à l’origine du climat d’anarchie aux Comores. C’est pourquoi, par cette lettre, je tiens à prendre la TICAD 8 à témoins. La présence du colonel Azali Assoumani à cette importance conférence ne doit pas être assimilée à un soutien, une fatalité, voire un encouragement à un régime qui viole les obligations internationales souscrites par les Comores, méprise, en toute impunité, les recommandations des institutions internationales spécialisées, celles des Nations-Unies, de l’Union Africaine, de l’Union européenne et des organisations internationales de défense des droits de l’homme. Son régime est formellement impliqué dans des assassinats politiques commis en toute impunité par des militaires dans leurs camps. En effet, la détention depuis plus de quatre ans (4 ans) sans fondement légal de l’ancien Président de l’Union des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed SAMBI illustre l’arbitraire et la terreur que le Président Azali Assoumani fait subir à la population et à ses opposants politiques. Dans ce climat de non droit, il est illusoire d’envisager une alternance politique conforme à la charte et aux exigences de la TICAD qui est engagée en faveur de la gouvernance, l’alternance démocratique, pour la paix, à la recherche des solutions durables aux conflits et à l’instabilité en Afrique. La pauvreté, l’instabilité politique et institutionnelle, les assassinats, les emprisonnements politiques et l’anarchie aux Comores trouvent leur origine dans la manière dont le colonel Azali Assoumani exerce le pouvoir, reconnu comme autoritaire et arbitraire par le rapporteur spécial des Nations unies.

Effectivement, sa gouvernance hautement personnalisée, familiale, clanique et anarchique empêche les institutions formellement indépendantes de remplir leurs fonctions constitutionnelles et entraine l’état de cessation de paiement de toutes sociétés et entreprises d’État, gérées par les membres de sa famille et ses courtisans. La présence des Comores à cette conférence internationale est une très bonne et heureuse opportunité pour notre pays pour réaffirmer, consolider et renforcer les préoccupations de convergence rappelées par la charte du TICAD notamment un point essentiel sur la question de la PAIX, L’ALTERNANCE DÉMOCRATIQUE et L’ÉTAT DE DROIT qui sont des objectifs fondamentaux pour la réalisation et la consolidation desquels les pays membres se sont engagés afin d’en faire une réalité ancrée dans nos mentalités et déterminantes dans nos décisions quotidiennes et l’engagement d’inscrire nos sociétés comme des États modernes s’appuyant sur des institutions démocratiquement élues.

Excellence, Messieurs les Présidents, Cette lettre ouverte ne doit donc pas être interprétée comme un geste d’hostilité à l’encontre du TICAD ni aux personnalités présentes à cette conférence internationale pour représenter mon pays, les Comores. Au contraire, notre pays est très reconnaissant de la considération dont il jouit au sein du TICAD. Les Comoriens aspirent s’inscrire davantage dans cette dynamique internationale qui fait la promotion et la pratique de la culture de la paix et de la démocratie, la solidarité entre les pays membres, une priorité sans laquelle aucun développement économique ne serait possible. Et comme la conférence de la TICAD 8 se tient dans des circonstances particulièrement délicates, marquées par la confusion qui prévaut actuellement aux Comores, sur tous les plans et par les menaces de tous ordres qui se profilent à l’horizon immédiat, il m’a semblé important et approprié d’alerter les membres et les délégations sur cette situation qui est à l’origine du développement de pratiques et l’émergence d’événements qui risquent de sonner le glas de l’option démocratique en faveur de laquelle militent toutes les forces démocratiques, progressistes et la diaspora de notre pays.

Excellence, Messieurs les Présidents, chefs de Gouvernements, même les observateurs les plus avertis reconnaissent que la crise que traverse notre pays contribue dangereusement à sa dislocation et je m’associe aux légitimes inquiétudes des Comoriens en faisant appel aux hautes et honorables personnalités présentes à cette conférence internationale à soutenir le peuple comorien en vue d’une solution rapide à cette crise post-électorale et pour une alternance démocratique et apaisée aux Comores.

L’élément déclencheur à cette crise est la volonté avouée du colonel Azali ASSOUMANI à manipuler et violer en permanence les institutions constitutionnelles comoriennes pour rester au pouvoir au détriment de l’unité, la paix et la réconciliation nationale. Il n’a pas tiré les leçons du mouvement séparatiste qui a fait autant de victimes humaines et des conséquences tant économiques et une crise institutionnelle et politique résolue grâce à l’intervention fraternelle de votre pays sous l’égide de l’union africaine. L’accord de FOMBONI de février 2001 a ramené la paix et réconcilie les Comoriens de toutes les Îles et c’est condamnable de voir le colonel Azali ASSOUMANI engager de force le peuple comorien sur le chaos. Les assises nationales, une idée et proposition de la société civile comorienne dont l’objet est de faire un bilan de la gestion de l’indépendance des Comores de ces 43 dernières années et dégager des perspectives pour l’avenir, ont été détournées et manipulées par ASSOUAMANI Azali pour engager des réformes très contestées et rejetées de la constitution en vigueur et au mépris de l’accord-cadre de FOMBONI, pour se maintenir au pouvoir jusqu’à 2030, voire au-delà. Des voix se sont élevées de l’intérieur du pays, notamment des messages des notables, des ulémas, de la société civile, des mouvements des femmes, des partis de l’opposition, de la diaspora, des organisations professionnelles pour dire au colonel ASSOUMANI Azali que son ambition personnelle et ses réformes, outre le fait qu’elles sont contre la constitution et l’accord de FOMBONI, mais en plus, elles compromettent la paix et l’unité de notre pays et qu’elles n’apportent que division et la haine entre les Iles de l’archipel des Comores. Plus préoccupant, son hold-up électoral du 24 mars 2019 est venu aggraver une tension politique déjà palpable qui avait entraîné des pertes en vies humaines, des tortures, des humiliations et l’emprisonnement, des dizaines de personnes et d’assassinats politiques commis par des militaires dans leur camp.

La diaspora comorienne, en France particulièrement, se montre très solidaire dans le combat pour la démocratie et contre le hold-up électoral du 24 mars 2019. Depuis le 30 mars 2019, tous les dimanches et dans les principales villes de France et dans certaines capitales des pays africains, la diaspora comorienne, pour la première fois depuis son indépendance et après le combat depuis la Tanzanie pour sa libération et son indépendance, est très engagée pour le retour de la démocratie et les libertés aux Comores. La répression et le climat de terreur qui prévaut aux Comores a conduit la diaspora à prendre le relai de ceux qui sont restés et forcés au silence au pays et qui préfèrent cacher leur sentiment par peur de la répression. La preuve est la répression des forces de l’ordre qui ont tiré sur des militants le jour du scrutin à Anjouan, causant la mort d’un civil et des blessés, et sur des candidats qui manifestaient pacifiquement le 25 mars contre le coup d’État électoral, causant des blessés. Incontestablement, cette crise instaure, outre l’arbitraire, mais aussi d’autres formes d’insécurité et de criminalité.

Dans ce contexte, les actions de la communauté Internationale et de TICAD en particulier seraient de favoriser le retour à l’état de droit, à l’ordre constitutionnel, le rétablissement de la confiance entre tous les citoyens comoriens et la légalité. Un dialogue franc, sincère et inclusif sur toutes les questions liées à la crise post-électorale est la seule voie à suivre. Les partis politiques ainsi que les forces vives de la nation réunies ont jusqu’à maintenant fait preuve de sagesse et du patriotisme, appelant sans cesse au dialogue en faveur des Comores et en soutien des crimes politiques et économiques et aux manifestations pacifiques, mais leur patience est mise à rude épreuve par le colonel ASSOUMANI Azali, soutenu par une minorité d’arrivistes.

L’économie de notre pays déjà en berne prend une trajectoire plus qu’inquiétante. Les alertes de notre diaspora, qui assure un transfert de fonds dépassant deux fois le budget national, ont reçu une fin de non-recevoir. La tendance est catastrophique quand on sait que durant quatre exercices, les Comores n’avaient pas de loi de finances, les fonds publics sont utilisés et gérés par le colonel ASSOUMANI Azali et son équipe comme des biens familiaux sans contrôles parlementaires ni judiciaires. ASSOUMANI Azali se maintient au pouvoir à la suite d’élections contestées et qualifiées d’anticonstitutionnelles et antidémocratiques alors qu’il perd en même temps les moyens pour satisfaire les besoins fondamentaux de la population. Il n’est jamais trop tard, alors que cette crise est un prélude à des conséquences évidentes sur l’unité et la paix pour l’archipel des Comores.

Je lance un appel à la TICAD, un appel honorable et fraternel pour rappeler au colonel Azali ASSOUMANI la meilleure attitude à prendre pour ne pas rater l’opportunité historique que lui offre la tolérance du peuple comorien humilié et torturé par son régime autoritaire et dictatorial et qui maintient les COMORES dans l’arbitraire. Ceux qui sont emprisonnés arbitrairement, exclus et demis de leurs fonctions au service de l’État, intimidés ou menacés sans motifs légitimes, ceux qui ont été contraints à l’exil, ne trouveront d’autres moyens que la révolte au demeurant légitime pour répondre à son régime politique répressif et illégal. Les forces vives des Comores continuent à faire appel à une solution pacifique à cette crise et elles s’inscrivent dans la dynamique reprise par les notables et sages de toutes les Îles de l’archipel pour un dialogue sur une transition apaisée et démocratique appelant ASSOUMANI Azali à abandonner son ambition de présidence à vie et à se conformer, avant qu’il ne soit trop tard, à la volonté du peuple souverain comorien.

Excellence, Messieurs les Présidents, chefs de gouvernements, je vous remercie de nous aider à faire des Comores, un pays de paix, réconcilié et prêt pour l’avenir. Pour y parvenir, la TICAD ainsi que l’Union Africaine et les autres membres de la communauté internationale, doivent faire usage des mécanismes diplomatiques et politiques permettant de ramener l’ordre constitutionnel aux Comores et l’ouverture d’un vrai dialogue inclusif sur la crise institutionnelle et politique sous l’égide de l’Union Africaine, la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC) et la communauté internationale.

Le soutien de la TICAD aux aspirations démocratiques et de paix du peuple comorien sera un signal fort de la volonté de ses membres et du gouvernement japonais, en particulier à aider notre pays, les Comores, à se doter des instruments et mécanismes démocratiques nécessaires à son développement économique. La TICAD doit imposer à ce que la culture de la démocratie soit une réalité dans la pratique quotidienne des dirigeants des pays membres, car elle est facteur de paix et de la sécurité, de justice, de respect des droits de l’homme et de développement économique.

Tunis, le 26 août 2022

Me Saïd LARIFOU,
Président du Parti Ridja
Ancien Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Transition en Exil de l’Union des Comores, Ancien candidat à l’élection présidentielle de l’Union des Comores.

(Contact WhatsApp +33605993004/ + 2693333838 / e-mail : larifou@gmail.com)

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