Il y a 62 ans, l’homme politique, président de l’UPC, était empoisonné à Genève, par les agents de services de renseignement français. Un Camerounais habitant à Bruxelles, en Belgique, a retrouvé sa tombe à Conakry et entrepris sa restauration.
C’est probablement l’une des personnalités politiques africaines les plus connues dans le monde, au même titre que Patrice Eméry Lumumba. Il y a 62 ans, presque jour pour jour, le Dr Roland Félix-Moumié, était assassiné par empoisonnement, à Genève, par des services de renseignements français. En cette période de commémoration, Marcel Tchangué (lire par ailleurs), un panafricaniste membre fondateur de la Fondation Moumié, est reparti à plusieurs reprises à Conakry sur les traces de celui à qui son épouse a consacré un ouvrage au titre évocateur : « Victime du colonialisme français : mon mari Moumié ».
« Enquête et découverte »
Son premier voyage au pays du président Sékou Touré, Marcel Tchangué s’en souviendra toute sa vie. Il a débarqué en avril 2022 à Conakry, sous prétexte de participer à la 14ᵉ édition des 72 heures du livre de Conakry. L’évènement qui se déroulait sous le thème « Sauvegarde du patrimoine et paix sociale », avait pour pays invité d’honneur le Royaume du Maroc et pour ville invitée, Dalaba. Mais arrivé à Conakry, une autre obsession s’est emparée de Marcel Tchangué. « J’avais pour objectif majeur de retrouver la tombe de Moumié. Je savais qu’il a été inhumé à Conakry », confie-t-il, voix tremblotante d’émotion. La dépouille de l’homme politique camerounais avait trouvé place dans la terre qui était devenue la sienne par adoption, le premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, poulain de la France, ayant refusé à Moumié des sépultures dans son pays natal. Ahmed Sékou Touré, le président guinéen et un des membres fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), le 25 mai 1963, qui avait eu l’audace et le cran de dire non à la France du général de Gaulle, le 02 octobre 1958, a accepté sans trop de peine d’offrir une terre de repos à celui qui était un de ses conseillers politiques.
Marcel Tchangué va parcours différents lieux à Conakry avant de tomber sur l’objet de ses recherches. « J’ai commencé par le cimetière de Cameroun, un quartier de Conakry. Il paraît que c’est le quartier qui regroupait le plus important de la communauté camerounaise. À partir de ce quartier, ces Camerounais allaient ensuite travailler au centre-ville de Conakry », explique encore M. Tchangué, ajoutant dans la foulée : « J’ai vite compris que le corps de Moumié ne reposait pas là. On m’a ensuite conseillé d’aller à Kaloum, au grand cimetière de Boulbiné. J’y suis allé. Et là, qu’elle n’a pas été la surprise ! ». Une exclamation synonyme de choc, d’émotion et surtout d’incompréhension. « Quand j’ai vu l’état de délabrement de l’édifice qui faisait office de tombe du Dr Roland Félix Moumié, je n’en revenais pas. Comment a-t-on pu laisser cet homme qui a donné sa vie pour l’indépendance, la liberté et le développement de l’Afrique a-t-il pu être si tristement abandonné à son sort ? », s’interroge-t-il. Quelle ingratitude !
« Conférence internationale »
Marcel Tchangué prend immédiatement l’initiative d’entreprendre un projet de restauration de la mémoire de Moumié. Il fait d’abord de faire nettoyer la tombe et ses abords, dès son premier voyage dans la capitale de la Guinée. Puis, il reviendra en juin 2021 pour la deuxième tranche des travaux avant ce dernier voyage le 27 octobre 2022. « Je dois dire toute ma reconnaissance à la diaspora combattante et à tous ceux qui, de près ou de loin, m’ont accompagné dans cette œuvre titanesque de restauration de la mémoire du Dr Roland Félix Moumié et à travers lui, celle de tous les martyrs africains ».
Une troisième phase qui sera marquée par une série de manifestations dont le dépôt d’une gerbe et l’inauguration de la tombe restaurée de Moumié, le 10 novembre. Surtout, une « Conférence internationale » est prévue à Conakry, fin novembre 2022, sur « Roland Félix Moumié et Ahmed Sékou Touré : une passion identique pour le panafricanisme ».
Marcel Tchangué nous rappelle, de manière encore plus évidente, qu’un peuple sans mémoire est un peuple voué à disparaître.
Par Jean-Célestin Edjangué à Paris