Dr Jean-Louis Bingna, économiste, Professeur des universités au Mexique, écrivain, Directeur de publication du magazine « Ecos diplomaticos », paraissant à Mexico, Commandant général des chevaliers du Temple de Jérusalem, en Amérique latine. C’est la structure la plus haute dans ce genre d’organisation, dans le monde catholique. De passage en Europe, où il a participé à une conférence internationale de journalistes, communicateurs et locuteurs à Milan, il a fait escale à Paris avant de rejoindre Genève pour une audience à l’Organisation internationale du Travail (OIT), le 25 mai, il a bien voulu nous accorder quelques instants de son emploi de temps extrêmement chargé, pour parler du Cameroun, des relations entre l’Afrique et de l’Amérique latine, mais aussi de ses projets d’auteurs… Lisez plutôt !
Pourquoi êtes-vous en Europe, vous qui résider à Mexico, au Mexique, depuis une bonne dizaine d’années maintenant ?
Je suis en Europe parce que j’ai participé à une Conférence internationale de journalistes, communicateurs et locuteurs, à Milan, en Italie, organisée par une structure dont j’assume les fonctions de Vice-président. Par ailleurs, je dois me rendre à Genève, en Suisse, jeudi 25 mai, pour une audience à l’Organisation Internationale du Travail (OIT). J’y vais pour défendre les intérêts d’un syndicat mexicain de pétrolier qui a plus de 4 millions d’adhérents et dont le gouvernement mexicain a bloqué tous les biens. Et comme le syndicat a confiance en moi, il m’a chargé de suivre leur dossier. C’est une affaire qui concerne une somme d’environ 25 millions de dollars. N’étant pas avocat, j’y vais avec mon cher ami et frère Luc Banemeck, rompu aux rouages syndicalistes, et l’avocat du syndicat, Jesùs Sànchez Garcia, pour préparer un bon dossier. Luc est très rompu à ces situations. Vous savez que le système politique camerounais a été longtemps basé sur le syndicalisme, avec des personnalités comme Um Nyobè. Je pense que la défense et la protection du syndicalisme peut changer la donne de la politique africaine.
Vous avez plusieurs casquettes. Économiste, Directeur de publication du magazine Ecos diplomaticos, défenseur des minorités et autres opprimés, on pourrait même ajouter que vous êtes une sorte d’Ambassadeur. Comment on s’y prend quand on est d’origine camerounaise, pour avoir une telle notoriété au Mexique et en Amérique latine ?
Cher Jean-Célestin, tout ce qu’un être humain peut faire avec la foi, il le fait bien. Je ne suis pas allé au Mexique dans une situation normale, comme un Camerounais normal. J’ai été contraint d’y aller, comme un grand membre de la cause de la libération africaine. J’ai travaillé avec mon père spirituel, Robert Ekwalla, qui était un grand syndicaliste, un grand journaliste, un grand défenseur du panafricanisme. J’ai été Conseiller de Ndeh Ntumasa… Ces figures historiques de la libération africaine m’ont laissé le sens de continuer la lutte, parce que nul n’est prophète chez lui. Il faut que je commence à l’extérieur avant de rentrer en Afrique. Aujourd’hui, je ne défends pas que des Camerounais, je suis aux côtés des Guinéens, des Ivoiriens… beaucoup d’Africains qui ont des problèmes au Mexique viennent me voir pour solliciter mon aide et je les accompagne dans différentes démarches, sans être leur ambassadeur.
Vous publiez « Ecos diplomaticos », un magazine très populaire au Mexique et même en Amérique latine. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Le magazine Ecos diplomaticos est une porte d’entrée, une passerelle, entre l’Afrique et l’Amérique latine. Toutes les grandes qui exploitent les ressources naturelles africaines ou travaillent avec l’Afrique sont conduites par des latinos sous couvert des pays européens. Quand une entreprise européenne gagne un marché, elle va en Amérique latine pour chercher la main d’œuvre à bon marché et la ramènent en Afrique pour exploitation. Je suis en train d’ouvrir ce chemin-là, que ce genre de contrat soit direct entre l’Amérique latine et l’Afrique. C’est dans cet esprit que nous avons mis sur pied la Chambre de commerce Afrique-Amérique latine. Et ça fonctionne déjà très bien. L’Ambassadeur du Maroc au Mexique, son Excellence Abdelfattah Lebbar, avec qui j’entretiens de très bonnes relations et qui a fait la une du dernier numéro de Ecos diplomaticos (lire par ailleurs), m’a invité pour me remercier et m’encourager par rapport à ce travail. Je dois d’ailleurs me rendre au Maroc dans les prochaines semaines, pour un reportage sur les atouts touristiques, économiques, culturels et environnementaux du royaume chérifien. Le voyage est en préparation. Beaucoup de choses sont donc en pleine gestation. Et le doyen des Ambassadeurs africains, au Mexique, qui est l’Ambassadeur Robert Djéro Ly de la Côte d’Ivoire, m’appuie dans toutes les démarches et réunions diplomatiques qui s’inscrivent dans cette dynamique. Les gens me demandent pourquoi je suis toujours avec les diplomates. Je leur réponds que je leur apporte autant qu’ils m’apportent. Alors les gens disent, parlant de moi, Le Monsieur là est partout, il travaille comme s’il était diplomate. L’Ambassadeur du Maroc s’est interrogé sur Pourquoi le Cameroun ne me nomme pas comme consul du Cameroun ? je lui ai répondu que je veux être consul non pas du Cameroun, mais celui d’Afrique.
À ce propos, un de vos rêves, c’est que l’Amérique latine et l’Afrique soient reliées, marchent dans la même direction. Quel intérêt peut avoir un tel rapprochement ?
Effectivement, c’est rêve le plus profond. Le jour où l’Afrique et l’Amérique latine s’uniront, ils vont faire un bloc. Les Européens comme les Américains respecteront les deux blocs. Quand on parle des pays du troisième monde, on parle d’Afrique, d’Amérique latine. Les gens pensent que nous sommes pauvres. Or, on ne peut avoir tout ce dont regorge nos sous-sols comme matières premières et être pauvre. L’Amérique latine, a des compétences à faire valoir. Tous les grands ingénieurs jusqu’à ceux qui vont à la NASA sont des latinos. Aujourd’hui, l’Amérique latine cherche aussi la voie pour se rapprocher de l’Afrique, parce qu’elle est convaincue qu’en travaillant ensemble, nous allons un nouveau bloc qui peut être redoutable. Si les États-Unis sont forts, c’est parce qu’ils sont avec le bloc de l’Union européenne que l’on appelle l’OTAN. L’Afrique peut constituer un autre bloc. D’ailleurs, la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil et la Chine sont dans les Brics. Dès que je rentre à la fin du mois de mai, je suis invité par le gouvernement de l’Equateur et avec la Vice-présidente de la Colombie, mon amie Francia Màrquez, africaine noire, nous réfléchissons sur la manière de construire ce pont entre les deux régions, l’Afrique et l’Amérique latine. Je pense que Dieu va nous aider à mener à bien ce projet.
On l’a dit, vous êtes également auteur. Vous venez de terminer un manuscrit sur une part importante de l’histoire de l’Amérique latine liée à l’Afrique. C’est bien cela ?
Oui. Tous les latinos respectent l’Afrique. Je rentrais d’une fête qu’ils ont organisé à Acapulco, un peuple très important au Mexique, sous le thème de la danse de la paix. Tous les gens qui y ont participé étaient des représentants africains. J’ai écrit cette histoire, ce manuscrit, pour rompre le silence et sortir de l’ombre cette partie obscure de l’histoire des Africains. Pour que les gens sachent que si l’Amérique est libre aujourd’hui, ce n’est pas grâce aux Européens, c’est grâce aux Africains. Ce sont les Africains qui étaient esclaves là-bas, ont décidé de rentrer chez eux et commencé la première révolution. Gascar Yanga, un Gabonais, est le premier libérateur des Amériques (El Primer Libertador de las Americas). L’Amérique a eu des Noirs présidents comme Vincente Guerrero, qui a gouverné le Mexique, tout comme Morélos. Bien avant Obama, récemment. L’Afrique et les Africains ont une histoire, nous devons seulement lutter pour donner plus d’information et trouver notre place dans la société. Nous avons une place ! Ce qui nous manque, c’est de faire un bloc pour défendre nos intérêts.
Pour terminer, si vous aviez un souhait à formuler pour les deux continents. Quel serait-il ?
Je pense que l’Afrique et l’Amérique latine peuvent sauver le monde. J’explique souvent aux latinos que les us et coutumes, les comportements et traditions sont les mêmes en Amérique latine comme en Afrique. Depuis l’alimentation, avec le maïs, le manioc, la famille nombreuse, l’hospitalité, la spiritualité, le respect des valeurs humanistes… Parfois, quand je reviens d’une invitation dans un village latino au Mexique, je rentre avec des provisions pleines dans le véhicule. Un jour, alors qu’il est venu me rendre visite au Mexique, mon ami Marcel Tchangué a remarqué qu’une escorte de policiers était mise à ma disposition, que les populations se massaient le long du trajet de mon passage avec des feux de paille en criant « Oh notre prince ! ». Ce sont vraiment des choses à vivre, à découvrir. C’est un sentiment difficile à expliquer.
Merci beaucoup, Jean-Louis Bingna, de nous avoir accordés quelques moments de votre temps si précieux.
Merci cher Jean-Célestin Edjangué pour cet entretien.
Réalisé à Paris par Jean-Célestin Edjangué