Avocat aux barreaux de Paris et de Moroni, il s’est constitué partie civile dans le drame de l’incendie de Bressuire, dans les Deux-Sèvres, qui a fait 5 morts, dans la communauté comorienne. Deux des victimes ont été inhumées, samedi 30 juillet à Bressuire. Il analyse cette affaire douloureuse à la lumière des derniers développements de l’enquête.
Vous êtes à Bressuire depuis vendredi pour les obsèques des victimes de l’incendie de la nuit du 7 au 8 juillet. Avant de parler du climat des obsèques, quelle situation avez-vous trouvée sur place lors de votre premier voyage au moment où vous avez appris les faits ?
Dès que j’ai eu connaissance de l’incendie mortel survenu à Bressuire, j’ai immédiatement pris la décision de m’y rendre pour apporter mon soutien moral et accompagner mes compatriotes et les proches des victimes dans leurs démarches administratives et d’identification des personnes qui ont péri dans ce sinistre. Sur place, après 6 heures de trajet entre Paris et Bressuire, j’ai retrouvé ma communauté très affectée, abattue, perdue, mais digne et rassurée par les moyens colossaux mis à disposition par les autorités municipales et les représentants de l’État pour récupérer les dépouilles et reloger les occupants des immeubles contiguës de celui qui a pris feu.
Un premier bilan, forcément provisoire, à l’époque, faisait état de 4 morts. A-t-on l’identité exacte de ces décès et comment a évolué ce bilan ?
Le bilan a effectivement évolué. Il est Maintenant officiel, il y a bien 5 victimes. L’identification des 4 corps a eu lieu et confirme qu’il s’agit bien des ressortissants africains d’origine comorienne. La dernière dépouille sera identifiée la semaine prochaine, la famille d’une probable victime comorienne arrive ce dimanche soir en provenance de Moroni. Je remercie l’ambassade de France à Moroni pour avoir accédé à notre demande de visa pour permettre à cette famille de venir aider les enquêteurs à identifier la dépouille et assister aux obsèques de leur enfant dont l’identification officielle sera confirmée.
L’immeuble concerné, construit il y a une quarantaine d’années, serait insalubre. Quelles hypothèses peut-on formuler à l’état actuel sur les circonstances et causes du sinistre ?
L’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Niort pour recherche des causes de la mort n’a pour l’instant donné ou privilégié une ou des hypothèses possibles de cet incendie mortel. Les familles ont de leur côté déposé plainte pour homicide involontaire, car il faut élargir le champ des responsabilités civiles certainement, mais aussi et surtout pénale. Les témoignages des anciens locataires et même ceux de certains rescapés, notamment sur l’état de l’immeuble et le non-respect par le propriétaire des normes de sécurité, justifient effectivement l’ouverture d’une information judiciaire pour « homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui » pour déterminer avec lucidité et responsabilité les causes et les circonstances de cet incendie. Le propriétaire semble familier des pratiques dignes d’un marchand de sommeil, abusant de sa position dominante pour imposer à ses locataires d’origine étrangère des conditions de location très douteuses.
Vous vous êtes constitué conseil des familles de victimes. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Les autorités chargées de l’enquête ont été informées de ma constitution et celle de mon confrère Me Didier Jaubert, avocat à Paris, pour assurer la défense de 4 des 5 victimes. Nous attendions l’identification des dépouilles pour formaliser notre constitution et nous impliquer activement dans les enquêtes en cours. Concrètement, cela signifie que, sous réserve de l’obligation absolue du secret de l’enquête, nous allons fournir tous les éléments portés à notre connaissance qui nous semblent utiles pour la manifestation de la vérité et de nature à établir toutes les responsabilités sur ce drame.
Quelles sont les difficultés que vous redoutez le plus dans ce genre de drame où les familles de victimes sont généralement au pays et donc très éloignées de la scène du drame ?
Dieu merci, dans ce dossier, ma communauté a une nouvelle fois fait preuve d’une grande dignité et responsabilité et c’est sans doute pour ces raisons que les autorités municipales de Bressuire, les représentants de l’État et les autorités judiciaires en place ont beaucoup contribué pour le dénouement rapide de certaines démarches administratives en France et consulaires de l’ambassade de France auprès de l’Union des Comores. Des familles ont obtenu leurs visas et vont pouvoir venir en France pour assister aux opérations d’identification de la dernière dépouille et à ses obsèques dans les prochains jours. Aujourd’hui, en présence d’une foule nombreuse composée des membres de la communauté comorienne, venant des 4 coins de France et des habitants de Bressuire, j’ai assisté personnellement à l’enterrement de deux victimes, à savoir une femme et son enfant de 5 ans, deux autres victimes déjà identifiées seront rapatriées et enterrées aux Comores. La marche blanche qui avait été organisée par la ville de Bressuire, mobilisant les élus locaux, des parlementaires, est la preuve à la fois de l’intégration de la communauté comorienne dans cette ville et la mobilisation de tous les habitants, notamment des commerçants qui avaient le samedi, jour de la marche, baissé les rideaux de leurs commerces en signe de solidarité. Cette affection a beaucoup marqué les esprits. Je tiens, une nouvelle fois, au nom de mes clients et de ma communauté, à exprimer formellement notre gratitude.
Recueilli par Jean-Célestin Edjangué