Camerounais d’origine à multiples casquettes, vivant à Mexico depuis une bonne dizaine d’années, il était de passage en Europe, il y a quelques jours, avec escale à Paris où nous l’avons rencontré.
Derrière le regard discret, l’allure longiligne et l’accoutrement des gens venus d’ailleurs, celui qu’on appelle respectueusement au Mexique et en Amérique latine « e principe bantù e Camerun », est plus qu’un habitant de Mexico. Il est le défenseur des opprimés, le réparateur des torts, la main tendue sur le chemin de ceux qui sont abandonnés, parfois oubliés par leurs propres familles.
« Bienveillance »
« Des Ivoiriens, Des Congolais, Camerounais et autres nationalités me sollicitent souvent quand ils ont des problèmes et qu’ils ont le sentiment que je peux les aider à faire reconnaître leurs droits par rapport à une situation donnée. Comme je travaille à la fois avec des associations de droits de l’homme, des Avocats et même des diplomates, j’essaie toujours de faire pour le mieux pour réduire le plus possible les injustices dont les uns et les autres peuvent être victimes », raconte le Dr Jean-Louis Bingna. Comme le cas de ce Médecin, psychiatre guinéen, qui croupit depuis cinq ans dans les geôles à Cancun, « condamné pour avoir voulu rompre la relation sentimentale avec la mère de ses enfants », soutient-il, tout en clamant son innocence. Le Dr Bingna lui a rendu visite, il y a quelques semaines, et « espère pouvoir agir pour que toute la lumière soit faite dans ce dossier ». On penserait qu’il est en mission en Amérique latine, Jean-Louis Bingna : « Je ne sais pas pourquoi j’ai atterri au Mexique, mais je ne le regrette pas du tout », répond-il quand je lui demande s’il n’a pas de temps en temps des envies de retour au berceau de l’humanité.
« El Comandante general»
Cet économiste, Pr des universités au Mexique, directeur de publication du Magazine Ecos diplomaticos, paraissant à Mexico, qu’il considère comme « une porte d’entrée, une passerelle, entre l’Afrique et l’Amérique latine », vient d’être fait Commandant général des chevaliers du Temple de Jérusalem, en Amérique latine, par l’une des organisations les plus influentes et les importantes de l’Église catholique à l’échelle mondiale. Comme une sorte de reconnaissance pour l’action entreprise depuis son arrivée en Amérique latine. Rares sont les Camerounais ou autres africains qui débarquent au Mexique sans lui passer un coup de fil. Dernier exemple en date, Sam Mbendè, arrivé pour participer à la rencontre des responsables de société de droits d’auteurs des artistes musicaux. En une bonne dizaine d’années passées en Amérique latine, le Dr Bingna a su se faire apprécier par la communauté latino, autant que par les africains et bien au-delà. Puisque grâce à son magazine Ecos diplomaticos, notre compatriote relie non seulement le Mexique, l’Amérique latine, mais la terre entière à l’Afrique. Continent dont il est persuadé qu’il a un rôle à jouer sur l’échiquier mondial.
« Les gens me demandent souvent pourquoi je suis toujours avec les diplomates. Je leur réponds que je leur apporte autant qu’ils m’apportent. Alors ces mêmes gens disent, parlant de moi : le Monsieur là est partout, il travaille comme s’il était diplomate. L’Ambassadeur du Maroc s’est interrogé sur pourquoi le Cameroun ne me nomme pas comme consul du Cameroun au Mexique ? Je lui ai répondu que je veux être consul non pas du Cameroun, mais celui de toute l’Afrique », lance-t-il avec une pointe d’humeur et un sourire en coin, convaincu que l’Afrique et l’Amérique latine peuvent former un ticket choc dans la nouvelle configuration mondiale en gestation. Et pour lui, cela passe nécessairement par une meilleure connaissance de l’histoire des deux régions. « Je viens de terminer un manuscrit, pour rompre le silence et sortir de l’ombre cette partie obscure de l’histoire des Africains. Pour que les gens sachent que si l’Amérique est libre aujourd’hui, ce n’est pas grâce aux Européens, c’est grâce aux Africains. Gascar Yanga, un Gabonais, est le premier libérateur des Amériques (El Primer Libertador de las Americas) », rappelle-t-il, insistant : « L’Amérique a eu des Noirs présidents comme Vincente Guerrero, qui a gouverné le Mexique, tout comme Morélos. Bien avant Obama, récemment. L’Afrique et les Africains ont une histoire, nous devons seulement lutter pour donner plus d’information et trouver notre place dans la société. Nous avons une place ! Ce qui nous manque, c’est de faire bloc pour défendre nos intérêts ». Voilà qui est dit.
Par Jean-Célestin Edjangué à Paris