Ancien rédacteur en chef du magazine Forbes Afrique, ce journaliste camerounais, qui a notamment travaillé à la BBC à Londres pendant une dizaine d’années et au quotidien Mutation dont il a été directeur général, est aujourd’hui directeur général pour l’Afrique du groupe financier américain Joseph Sassoon, par ailleurs Conseiller du Cheikh Ahmed Bin Faisal Al Qassimi de Dubaï, il explique l’idée du projet de ce livre et les difficultés rencontrées.

« Être milliardaire en Afrique aujourd’hui » est à la fois un tableau sociologique des femmes et des hommes les plus honnêtement fortunés du berceau de l’humanité, mais aussi une analyse de ce que la notion de richesse renvoie dans l’inconscient collectif des citoyens africains. En quoi votre posture de journaliste, notamment d’ancien rédacteur en chef du magazine Forbes Afrique, a-t-elle pu vous être utile pour mener à bien ce projet ?

J’ai pu mener ce projet sans rencontrer beaucoup d’obstacles en me servant de ma casquette de journaliste et de l’identité très forte du magazine et de la marque Forbes. Forbes Afrique m’a permis d’ouvrir des portes. Ensuite, il y a une alchimie difficile à décrire qui a pu naitre avec mes interlocuteurs pour me permettre de les amener à me raconter leur itinéraire, à me raconter leur histoire et à me révéler des choses qu’ils n’avaient sans doute jamais racontées.

Il faut dire que je n’ai pas décidé d’écrire le livre d’un coup. La plupart de ces portraits ont été écrits dans le cadre de mon travail journalistique à Forbes Afrique. C’est par la suite, et en jetant un regard sur le rétroviseur de ce qui est devenu avec le temps une galerie de portraits, que s’est dessiné dans mon esprit, une cohérence d’ensemble et une suite de questionnements sur la perception générale négative de l’opinion de gens autour de moi sur les milliardaires africains. Très contraire à l’idée que moi, j’en avais désormais, après les avoir approchés. J’étais frappé par l’image peu reluisante qu’ils renvoyaient malgré leur charisme et la fascination qu’ils exercent sur le citoyen lambda. Alors l’idée m’est venue d’écrire ce livre en m’appuyant sur ces portraits. Une idée très ancienne, mais qui s’est matérialisée lorsque je me suis retrouvé bloqué dans le confinement en mars 2020 en région parisienne, pour cause de covid-19.

Votre ouvrage, « Être milliardaire en Afrique aujourd’hui », dépeint sur 232 pages le rapport complexe, pour ne pas dire ambivalent, que les sociétés africaines ont avec l’argent. On a le sentiment que tout le monde veut être riche, mais que personne n’aime les riches. Une conception très répandue encore aujourd’hui dans la société française. Comment expliquer cette réalité ?

En Afrique, et plus particulièrement en Afrique francophone, les riches n’ont pas bonne presse. Leur légitimité est sujette à caution. Beaucoup de riches sont des politiques qui se sont enrichis au détriment de la fortune nationale. Beaucoup d’hommes d’affaires sont des couvertures pour des hommes politiques ou des fabrications du pouvoir. On associe leur image à la corruption et à toute sorte de passe-droits. Mais le fait est que de plus en plus de véritables hommes d’affaires ont émergé sur le continent.

Mon propos est que l’Afrique ne peut pas construire sa prospérité sans une classe d’hommes d’affaire qui créent de grandes entreprises appelées à devenir des champions africains. Comme c’est le cas aujourd’hui en Chine, aux États-Unis, en Europe ou encore en Inde et en Turquie. De ce point de vue, l’émergence de grands groupes africains, comme ceux créés par les milliardaires dont je parle dans mon livre, est une excellente nouvelle pour le continent. Je soutiens l’idée que la richesse est nécessaire pour la prospérité des nations. Ce sont les milliardaires qui doivent construire cette prospérité et non pas l’État. Ce dernier doit réguler, garantir la justice sociale, l’accès à la santé, à l’éducation, mettre en place un environnement et un climat favorable aux affaires et aux investissements qui bénéficient en priorité aux acteurs nationaux.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées tant au moment de l’enquête que dans la finalisation de cet ouvrage ?

Les difficultés ont été plutôt classiques. Beaucoup d’hommes d’affaires africains communiquent peu et n’ont pas la culture médiatique adaptée à l’époque. Il faut les bousculer, souvent leur forcer la main. Mais les anglophones eux sont plus ouverts, plus modernes et ont compris les secrets et les enjeux cachés du capitalisme. Les nigérians de ce point de vue sont très en pointe et commencent à exister sur la scène mondiale.

D’autres projets à venir ?

Je travaille sur deux livres en ce moment dont un roman qui est une allégorie dont la scène est inspirée de l’Apocalypse et un essai dont le titre sera : « La blanchitude du nègre », sur la quête de la modernité par les africains.

Avez-vous des attentes particulières du public maintenant que l’ouvrage est entre ses mains ?

J’ai une attente particulière : que le plus d’africains possible lisent « Etre milliardaire en Afrique aujourd’hui ». Et quelques attentes plus générales. Que les africains changent d’attitude et de psychologie à propos des riches et de la richesse. Qu’ils comprennent que le secret de la lutte contre la pauvreté, c’est paradoxalement la richesse. Une preuve ? la Chine a fait sortir 400 millions de personnes de la pauvreté en une génération. Pourquoi ? Parce qu’elle est devenue un pays riche et prospère.

Réalisé en ligne par J.-C. Edjangué

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