Ancienne 2ᵉ adjointe au Maire de Champigny-sur-Marne, actuellement Conseillère municipale d’opposition, Conseillère territoriale du Territoire Paris Est Marne et Blois. Elle a participé à la cérémonie du 8 mai en la mémoire des soldats Africains et Français morts pour libérer l’hexagone. Elle parle de ce moment particulier pour elle qui a une double culture.
C’est une femme aux convictions bien ancrées, une citoyenne très attachée à sa double appartenance et pour qui le 8 mai a une résonance particulière. « Je dépose une gerbe chaque année, le 8 mai, depuis ma première élection en 2014 ; jusqu’en 2020, il s’agissait de la gerbe municipale et depuis, celle du Parti Socialiste de Champigny en tant qu’opposante municipale ».
Derrière son visage juvénile, son sourire bienveillant, se cache en réalité une bonne décennie d’engagement politique, pour celle qui est aujourd’hui la responsable du parti socialiste des villes de Champigny et de Chennevières sur Marne. Cette fille de parents camerounais a encore ce lundi, 08 mai, à l’esplanade de Champigny qui abrite le monument aux morts, sacrifié au rituel du recueillement en la mémoire de ceux qui ont versé de leur sang et donné leur vie pour que la France soit libre.
« Devoir de mémoire »
Alors quand on lui demande ce que cela représente pour elle, qui est de nationalité française et née de parents camerounais, de déposer une gerbe en souvenir des morts de la 2ᵉ Guerre mondiale et de la fin de ce conflit ? Sa réponse est nette, sans détours :« Personnellement, ç’a une double signification. D’abord, je suis originaire du Cameroun, de par mes parents et comme tout le monde le sait, le Cameroun a été un des tout premiers ralliements de l’Empire, obtenu le 27 août 1940 par le général Leclerc à la demande du général de Gaulle. Et c’est ce ralliement qui a été la base de la formation de l’Afrique française libre pour continuer la lutte contre les forces de l’Axe. Mais le Sénégal, le Mali, Madagascar et bien d’autres pays d’Afrique, ont été amenés à fournir des soldats qui sont venus combattre pour libérer la France. C’est aussi pour moi une manière de leur rendre hommage à ce moment-là et, bien entendu, autant qu’aux soldats français qui sont morts pour libérer la France, mon pays de naissance », confie Mme Adomo, qui n’oublie pas non plus que le 27 octobre 1940, soit quatre mois après son célèbre appel sur les ondes de la BBC, à Londres, c’est à Brazzaville, siège des institutions de l’Afrique équatoriale française(AEF), que le général de Gaulle installe la capitale de la France libre, avec création du Conseil de défense de la France libre. C’est là qu’avec le soutien des soldats de l’Oubangui-Chari, du Tchad, du Cameroun et du Gabon, la reconquête va commencer.
Caroline Adomo semble néanmoins regretter que l’apport des soldats africains, aux côtés de leurs frères d’armes français, ne soient pas assez mis en exergue, alors que le berceau de l’humanité a payé un lourd tribut dans ce conflit mondial. L’élue municipale de Champigny, Conseillère territoriale du Territoire Paris Est Marne et Blois, déplore que ce pan de l’histoire de la France et de l’Afrique ne soit pas largement abordé dans les écoles des deux rives de la méditerranée. « Malheureusement, cette histoire n’est pas assez connue, elle n’est pas suffisamment enseignée. Elle est évoquée par-ci, par là, sans plus. J’ai fait ma scolarité en France où je suis née. Je suis repartie au Cameroun à l’âge de six mois et je suis revenue à l’âge de cinq ans et demi. Je n’ai pas appris à l’école que des soldats africains ont participé à la libération de la France. C’est grâce à l’enseignement donné par mes parents que j’ai mieux perçu ce qui s’est passé », avoue-t-elle, ajoutant : « Heureusement, aujourd’hui, beaucoup de personnes se mobilisent pour faire connaître cette histoire un peu plus dans les manuels scolaires. Je suis heureuse que la France et notamment à Paris, la Maire, Anne Hidalgo, ait attribué une place aux tirailleurs sénégalais, dans le 18ᵉ arrondissement de Paris où je suis née. J’ai assisté à cette cérémonie qui revêtait une émotion particulière pour moi. Je suis très heureuse de voir cette reconnaissance au niveau du territoire, qu’il y ait une place en plein Paris, qui symbolise cet engagement des soldats africains qui, il faut bien le dire, n’étaient pas tous volontaires. Je ressens une fierté que cet acte soit matérialisé autour d’une place et j’espère aussi un peu plus loin ailleurs ». Un cri qui commence à trouver un écho, y compris au plus haut sommet de l’État, en France, en atteste la mesure dérogatoire, prise au mois d’avril dernier par le président Emmanuel Macron, permettant aux tirailleurs sénégalais de ne plus avoir l’obligation de vivre six mois sur le sol français pour percevoir leur allocation. Ils peuvent repartir au Sénégal et vivre leur retraite dans leur pays d’origine sans avoir nécessairement à revenir dans l’hexagone pour toucher leur retraite d’anciens combattants et en jouir. « C’est une injustice qui a entrainé beaucoup de souffrances, c’est bien qu’elle ait été réparée, même tardivement », pense encore Madame Adomo. Mais cela n’est pas suffisant.
« Nouvelle donne »
Les nouvelles générations d’Africains vivant sur le continent ou des jeunes des diasporas africaines, notamment en Europe, semblent réclamer de plus en plus une redéfinition des relations entre les anciennes métropoles et les ex-colonies. Il en a été question, par exemple, le 4 mars 2023 au Sénat français lors de la 3ᵉ Journée Cameroun-France. Une réalité guère surprenante aux yeux de l’élue de Chamigny : « Vous parlez de l’évènement du 4 mars dernier organisé par l’Association EFRACAM qui regroupe les élus français originaires du Cameroun, dont je suis naturellement une des membres actives qui a organisé ce moment d’échanges dans « mon ancienne maison », avec la participation de l’Ambassadeur du Cameroun en France, M. André-Magnus Ekoumou, et celui de France au Cameroun, M. Thierry Marchand, avec l’ancien Premier ministre du Congo Henri Lopès, qui était invité spécial, ainsi que le déjeuner qui s’en est suivi. Oui, c’est important de modifier le rapport de force, de revenir un peu sur le passé, même si on n’y reviendra jamais totalement. Il est important, aujourd’hui, que la France et le Cameroun, s’assument comme deux partenaires qui se respectent mutuellement et qui ont des liens historiques, profonds. Ces relations doivent évoluer, sans léser aucune des parties », indique-t-elle, martelant : « Je défends cette approche-là et je suis très fière que de plus en plus de jeunes générations s’emparent de ces enjeux pour essayer de changer la donne, d’imposer un nouveau rapport de force. Cette prise de conscience dépasse d’ailleurs le seul cadre des rapports entre la France et le Cameroun. Il faut que la France écoute ce message de la jeunesse, il faut que les gouvernements l’entendent. C’est dans l’intérêt des pays concernés, dans l’intérêt des jeunes générations d’avoir d’autres perspectives que celles qu’elles ont connues jusqu’ici, pour faire évoluer le pays, avec de vraies perspectives d’avenir. Et ça passe pour moi par l’éducation, essentiellement. Il faut investir au niveau de l’éducation pour permettre aux jeunes d’avoir des perspectives d’avenir professionnel dans leur pays ou ailleurs ». Il en va de l’intérêt des pays d’origine, mais aussi de celui des pays d’accueil : « Parce que, quoi qu’on en dise, les diasporas pèsent d’un poids important pour les économies des pays d’origine. Les diasporas camerounaises investissent déjà beaucoup au pays natal, mais elles veulent aller encore plus loin. Elles ont des revendications concernant notamment la reconnaissance de la double nationalité pour pouvoir se projeter dans le pays de leurs parents, mais aussi la sécurité juridique sur ce qui va être entrepris. Car ça peut être un frein à cette volonté d’investissement ».
Autant de questions qui ont été abordées lors de la rencontre du 4 mars au Sénat et qui demeurent d’une actualité brûlante, montrant à quel point Caroline Adomo, est attachée à sa double culture, à ses deux amours, le Cameroun et la France.
Par Jean-Célestin Edjangué à Paris