C’est ce que m’a confié lundi 12 août 2024, au domicile de la famille endeuillée, la maman de la défunte, dont le programme des obsèques est annoncé avec la veillée le jeudi 22 et l’inhumation, vendredi 23 août. Elle évoque sa fille comme étant désormais un rêve qui n’est plus réalisable.
« « Ndoti » Bema Suzanne KalaLobè . C’est ce qu’elle est devenue, Suzanne ». Assise sur un fauteuil, dans la salle principale de la maison que la famille occupe désormais, rue Bertaut, à Bali, à Douala, après l’incendie du logement originel, sous le manguier, rue Dikoumè Bell, dans le même quartier. Mama Nono, comme on appelle affectueusement Mme Sarah Béboï Kuta Kala-Lobè, la maman de Suzanne, essaie de rester digne, nonobstant l’immense chagrin qui la ronge de l’intérieur. Son visage, marqué par les traits de plus de 90 ans d’âge, laisse entrevoir de petits yeux lumineux de sérénité. « Dieu en a décidé ainsi. On n’y peut plus rien. Suzanne est devenue un « Ndoti », un « rêve », me confie-t-elle, presque dans le creux de l’oreille, sa voix se faisant entendre tellement doucement que je suis obligé de redoubler d’attention, de bien tendre l’oreille pour enregistrer parfaitement et intégralement son message.
« Un rêve inaccessible »
Nous sommes, Mama Nono et moi, à l’écart de six autres personnes, dans la pièce principale de la maison, rue Bertaut, à Bali, un quartier de Douala. J’avais besoin de retrouver cette proximité que nous avions du vivant de Suzanne, chaque fois que je venais au domicile familial. J’allais jusque dans la chambre pour la saluer, une fois que Suzanne avait annoncé ma présence, ou à Paris, lorsqu’il m’arrivait de lui rendre visite. Nous reprenons notre conversation sur « « Ndoti » Bema Suzanne Kala-Lobè ». Je lui demande pourquoi accoler le mot Ndoti (rêve) au nom de Suzanne ? Elle répond : « Parce que le rêve a ceci de formidable qu’il donne de l’espoir, il fait croire en un présent ou un meilleur futur. Seulement, dans le cas de Suzanne, c’est un rêve qui n’est plus accessible, a qu’on ne peut plus réaliser. Parce qu’on ne plus la faire revenir, elle ne sera plus là ». Elle ajoute : « Elle m’a toujours dit qu’elle souhaitait partir avant moi. Elle a donc accompli sa volonté ». Je confirme ses dires, en lui révélant que Suzanne me l’avait également confié à plusieurs reprises : « Complice, je ne supporterais pas que maman décède avant moi. Je ne m’en remettrai pas ». Et moi de lui rétorquer systématiquement que « si c’est toi qui est rappelée auprès des Ancêtres avant maman, ce sera également difficile pour elle. Je sais qu’elle t’aime beaucoup, elle me l’a dit ».
SKL, maman a décidé de t’attribuer le mot « Ndoti », pour continuer à faire de toi un rêve bien au-delà de ton cercle familial le plus proche, pour l’éternité. Un rêve qui n’est plus accessible, mais qui fait de toi un modèle et donc forcément un espoir pour les générations actuelles et à venir, en matière de journalisme, de débat intellectuel, de promotion de la culture… un rêve pour l’humanité.
La veillée mortuaire de Suzanne Kala Lobè est prévue le jeudi 22 et l’inhumation, vendredi 23 août 2024, au domicile familial, rue Dikoumè Bell, à Bali, à Douala.
Par J.-C. É. à Douala