Écrivaine Rwandaise, actrice de la société civile, panafricaine, cette amie de la Guinée a initié, en septembre 2022, l’assainissement du musée de Sandervalia à Kaloum, une des six communes de Conakry, la capitale de la Guinée. Une action en phase avec la politique des autorités de transition en matière d’investissement citoyen dans la protection du milieu de vie. Elle explique la genèse du projet et sa portée à long terme.

Vous êtes une écrivaine rwandaise et amie de la Guinée. Vous avez initié, en septembre dernier, l’assainissement du musée de Sandervalia à Kaloum, une commune de Conakry, la capitale de la Guinée. Pourquoi ?

En effet, je suis écrivaine rwandaise, panafricaine et panafricaniste.  Bien sûr que j’aime toute l’Afrique et je me sens chez moi partout où je passe. Je suis présentement en Guinée Conakry et tout se passe bien. Une frange de la jeunesse guinéenne m’a conquise, volontiers, j’essaie d’apporter ma petite contribution à sa quête littéraire et culturelle. Quant à l’assainissement du musée de Sandervalia à Kaloum, c’est venu tout naturellement et c’est un plaisir pour moi que le Ministre de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat de Guinée, Alpha Soumah et le Directeur Général du musée aient permis cette action citoyenne au sein de la structure dont ils tiennent les rênes et que la jeunesse ait adhéré spontanément à l’idée et à l’action. 

Au fait, avant de me rendre en Europe, j’avoue n’avoir jamais mis pied dans un musée en Afrique. Pour dire vrai, j’ignorais ce que c’est. Durant mon séjour occidental, j’ai appris à me rendre aux musées. La première fois, j’étais invitée par une association culturelle de la diaspora africaine de Rome. Malheureusement, j’avais confondu le jour et l’heure. J’étais donc seule à faire le tour du musée préhistorique de Rome. Quelle surprise ! Toute l’Afrique était face à moi à travers une très grande collection d’objets culturels rares et précieux de tous les pays africains exposés dans des vitrines ultra-sécurisées et illuminées de mille lumières.  Je me rappelais alors que les curés blancs de nos paroisses africaines les traitaient de diaboliques, des arts primitifs sans aucune valeur.

 Je me posai alors la question : Que faisaient ces arts primitifs chez eux ? Pourquoi étaient-ils autant en sécurité ? Faut-il venir en Europe pour découvrir toutes ces merveilles africaines artistiques ?  Mais j’ignorai que bientôt, j’allai me fâcher. Un son bizarre m’attirait dans la pièce voisine. Sur un écran, les images d’une fête africaine. Je m’approchai pour lire ce qui y était écrit en italien : Danse primitive africaine du Burkina-Faso. Derrière moi, un père avec son fils. Ce dernier lui posa alors la question : « Papa, qui est-ce ? ». « Des noirs », répondit le père. Le fils poursuivit : « ce sont des extraterrestres ? » ; « disons-le comme ça », réplique le père ! Je compris que le père n’était pas un érudit des arts, tout comme moi. Mais contrairement à lui, j’étais dans l’émerveillement. Ses réponses mirent mes neurones en ébullition. Au moment où je m’apprêtais à lui dire : Quand on ne connait pas la réponse à une question, on se tait ! Je vois une jeune femme entrer et rejoindre le fils et le mari. Le fils s’adressa à sa maman. Papa m’a dit que ces gens sont des extraterrestres, est-ce vraie maman ? Non chéri, ce sont des humains comme toi et moi, pas des extraterrestres. Pourquoi sont-ils bizarres ? Non, ils ne sont pas bizarres, ils ont juste la peau noire à cause du soleil ardent d’Afrique et nous la peau blanche à cause du froid en Occident. Elle remarqua mon désarroi, elle s’excusa et me dit : Mon mari et mon fils n’ont jamais voyagé, ils sont limités dans leur observation. Ce n’est rien, Madame, lui rétorquai-je. Cependant, dans mon for intérieur bouillonnait une grande colère. Je me posai alors la question : Pourquoi l’Afrique suscite-t-elle toujours de l’indignation de la part des autres peuples du monde ? Je répondis à moi-même : Parce que ces autres l’ont dépouillée de ces biens culturels, ils ont nié son histoire, l’ont falsifiée à leur guise, au détriment de la leur. Ils l’ont acculturée pour prendre le dessus et en bénéficier depuis des siècles. Qu’a fait l’Afrique après les indépendances ? Indépendant, pourquoi chaque pays africain n’a-t-il pas demandé aux pays colonisateurs de lui restituer ses biens culturels à l’instant ? Des questions se bousculaient dans ma tête, je sortis du musée avec amertume. Arrivée à Bruxelles, mon frère n’habitant pas loin du musée de Tervuren, je m’y rendis, ce fut la même observation, le même constat. Ainsi, j’eus l’habitude de me rendre dans les musées occidentaux pour observer, découvrir, m’émerveiller et aussi me plaindre. 

 Comment concrètement avez-vous réussi à mobiliser des mains et des cœurs pour mener à bien ce projet ?

À Conakry, depuis mon arrivée en avril 2022, je reportais toujours la date et le jour de la visite au Musée national Sandervalia à Kaloum. Un matin, la curiosité fut plus forte, je décide alors de m’y rendre coûte que coûte. À la base, c’était juste une visite au musée, je voulais découvrir l’histoire de la Guinée à travers les biens culturels qui y étaient exposés. Quand je franchis le portail, c’est l’état du lieu qui m’interpelle. Après la visite du musée qui fut instructive, je fais donc le souhait de rencontrer le Directeur Général pour lui demander si je pouvais donner un coup de balai dans la cour du musée en compagnie des jeunes passionnés de la littérature avec qui je travaille en ce moment sur un projet littéraire. Le Directeur Général est surpris d’abord par la demande, puis il y adhère. À son tour, il en fait part au Ministre, même réaction de sa part, ensuite il nous accorde la permission dans le cadre de l’action citoyenne lancée et initiée en août 2022 par le Président de la Transition de Guinée, le Colonel Mamady Doumbouya. Pourquoi la même réaction de leur part ? Parce que depuis que le Musée existe, personne n’avait jamais émis le souhait de donner un coup de balai à la cour ou autre initiative d’assainissement au sein du musée, me confie le Directeur Général Kaba Hamza. Quant aux jeunes passionnés de littérature et culture, dans les objectifs de nos actions futures proches y figure aussi l’assainissement des milieux scolaires et publics. En notre dernière rencontre, nous en avions beaucoup parlé. Mon coup de fil à Thierno Illa Diallo, Commissaire de la Foire Internationale de l’Écriture et à son adjoint Kewell Alpha a suffi pour que la majorité du groupe se retrouve deux jours au Musée National.  Nous nettoyons donc la cour du musée avec le Directeur Général lui-même et quelques employés du musée présents ce samedi-là, sans oublier des jeunes Guinéens venus visiter le musée que nous avions interpellés et qui furent contents d’y participer. C’est heureux et satisfait que le Ministre nous a rejoints après une cérémonie avec les instrumentistes guinéens dans la salle de cérémonie du musée.  Après la prestation d’un slameur du groupe, nous avons lancé le projet : “UN ENVIRONNEMENT SAIN, UNE ÉCRITURE SAINE” sous l’égide du Ministre de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat Alpha Soumah, un concept qui consiste à écrire dans un environnement sain à travers une campagne d’assainissement de la jeunesse dans les locaux du musée national, des écoles, les bibliothèques de toute la République de Guinée, etc. Avec l’appui et le soutien des hommes et des femmes, tel Monsieur Kaba Hamza et autres qui nous ont encouragés d’une manière ou d’une autre pour notre première action citoyenne officielle d’assainissement. En outre, dans mon pays, le Rwanda, les travaux communautaires “UMUGANDA“ se font chaque dernier samedi du mois.  Les Guinéens résidant au Rwanda rejoignent volontiers les Rwandais et y participent naturellement.  Panafricaine, moi aussi, je fais de même en Guinée et je le ferai partout ailleurs en Afrique si besoin en est. Ma plus grande satisfaction est d’avoir permis aux jeunes Guinéens passionnés de la littérature et de la culture de visiter le Musée National de leur pays, d’avoir participé à l’assainissement au sein du musée et d’avoir été émerveillés par tout ce qu’ils ont découvert à l’intérieur et qui les a inspirés. 

En dehors du musée de Sandervalia, d’autres bâtiments et sites administratifs sont dans un état d’insalubrité notoire. Que peuvent faire les pouvoirs publics guinéens face à cette problématique ? 

En août 2022, le Président de la Transition de Guinée, le Colonel Mamady Doumbouya avait lancé et initié l’assainissement de la ville, il va bon train. On voit l’image de la ville changer de jour en jour. Cependant, c’est un devoir citoyen qui concerne tout le monde. Il faut faire de la propreté de tout notre environnement une culture. Responsabiliser tout le monde, parents, jeunes et enfants. Mener une sensibilisation forte de l’assainissement à travers la capitale, les provinces… en mettant en exergue le bien-fondé de la propreté de l’environnement domestique sur la santé et le bien-vivre sain d’abord, avant de participer à la protection et la sauvegarde de la planète Terre, ici les médias ont leur part de responsabilité à travers leurs différentes émissions dans leurs structures : radio, télévision. Primer les bonnes volontés qui font de l’assainissement un devoir citoyen afin d’interpeller les plus jeunes, qui à leur tour perpétueront cette culture. On aura contribué à laisser en héritage un environnement sain pour nos petits-enfants et arrières-petits- enfants.  

Réalisé en ligne par J.-C. Edjangué

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *