Promoteur et entrepreneur culturel, d’origine camerounaise, producteur en 2013 du célébrissime album « Makossa anthologie », il analyse depuis Libreville au Gabon,  les 40 ans de la fête de la musique lancée le 21 juin 1982 par Jack Lang, l’emblématique ministre de la Culture de François Mitterrand et célébrée un peu partout dans le monde. Il fait aussi le point sur les difficultés du secteur de la musique, aujourd’hui, surtout en Afrique.

Vous êtes entrepreneur et promoteur culturel camerounais, mais vous êtes comme la musique, sans frontière, entre l’Afrique et le reste du monde. Comment vous est venu ce goût pour la musique ?

C’est une affaire de passion, une histoire qui a commencé depuis ma tendre enfance, d’abord à Douala au Cameroun, puis elle s’est poursuivie au gré de mes voyages un peu partout dans le reste du monde.

Le monde, parlons-en, célèbre les 40 ans de la fête de la musique, lancée en France en juin 1982, par Jack Lang, alors ministre de la culture de François Mitterrand. Qu’est-ce que cette fête évoque pour vous ?

C’est d’abord un grand moment de convivialité, de partage, de promotion des musiques, un moment de reconnaissance pour les artistes, mais qui doit aussi être un moment privilégié de réflexion. Car, d’une manière générale, la musique ne se porte pas très bien dans le monde. La filière musicale est confrontée à une série de difficultés : économique, politique, sanitaire…Aujourd’hui, même les rayons de magasins de ventes de musique ou d’accessoires musicaux, ont rétréci, s’ils n’ont pas totalement disparu. Peut-on imaginer un monde sans culture ? La musique fait partie de la culture. Si rien n’est fait pour relancer le secteur de la musique, c’est un pan important des arts, un pilier du patrimoine culturel et historique de l’humanité qui sera perdu. 

Que faut-il faire pour relancer la machine et sauver ce qui peut l’être ?

Il faut d’abord se réinventer, tous que nous sommes. Les artistes, les décideurs économiques et politiques, des promoteurs culturels, mais aussi l’ensemble des citoyens. La culture, en général, et la musique singulièrement, est un secteur très particulier. Le contexte sanitaire est venu aggravé une situation des arts, notamment musicaux, qui n’était déjà pas facile. Il va falloir créer des solidarités, pour ceux qui croient encore à la musique. C’est de cette manière que l’on pourra sauver l’industrie musicale et les arts.

Parlons maintenant de la musique au Cameroun. Comment se porte-t-elle aujourd’hui ?

La musique au Cameroun est à l’image de la musique dans le monde. Elle est traversée par de nombreuses difficultés, celles dont je viens de parler précédemment. On a vu tout ou presque se détériorer. Et la Covid est venue donner le coût de grâce. Tout le monde doit se mobiliser. On a besoin de réinjecter les intelligences, de rassembler les bonnes volontés, bien sûr également de trouver les moyens matériels et financiers pour faire redémarrer le secteur de la musique au Cameroun. On s’est réjoui, au départ, de l’apport des nouvelles technologies dans la filière musicale, sans jamais se douter qu’elles feraient plus de mal que de bien. Aujourd’hui, c’est plus facile de passer par les Gafa pour avoir la gratuité de l’écoute musicale, même si les choses sont en place pour permettre aux artistes de percevoir des droits de leurs œuvres. Mais en Afrique, c’est encore très compliqué de faire respecter le droit d’auteurs. Car avant de le respecter, le faire appliquer, il faut un travail préalable d’éducation et de sensibilisation, il faut toute une réflexion autour de l’usage d’internet, son accessibilité, étant donné qu’il y a des zones qui ne sont pas couvertes. Aujourd’hui, l’ensemble de ces facteurs fait que les ventes sont en chute libre, les acteurs culturelsvivent dans la précarité la plus insupportable.

D’autant plus que nombre d’artistes ne peuvent plus donner des spectacles dans un cadre serein, perturbés qu’ils sont par des groupuscules violents. Comment réagissez-vous à ces intrusions ?

C’est vrai, il y a en plus des obstacles que je viens d’énumérer,  un nouveau phénomène lié à la conjoncture politique de l’Afrique. On voit de plus en plus des bandes d’activistes, généralement proches des oppositions politiques, qui surgissent au moment d’un concert ou d’un spectacle, pour tout saccager voire empêcher la production des artistes taxés d’être proches de la mouvance au pouvoir. Les congolais étaient les premiers à inaugurer cette fâcheuse manie. Des activistes camerounais et d’autres pays ont pris le relai. C’est une entrave à la liberté d’expression, à la liberté de travail. Comment peut-on être à la fois partisan de la liberté d’expression et empêcher des artistes d’exprimer la leur ? Un artiste doit vivre de son art. Sinon, il est condamné à la misère, à la clochardisation. C’est ça que nous voulons pour nos artistes qui ont la lourde mais exaltante mission de donner du rêve, du bonheur aux publics ?

 Quels sont les projets à venir du promoteur culturel que vous êtes ?

Nous avons plusieurs bandes dans les boîtes, plusieurs projets sont en route. Nous attendons que le cadre soit assaini, que le contexte retrouve totalement sa sérénité, pour que nous relancions nos activités.

Entretien en ligne mené par Jean-Célestin Edjangué

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