Par Jean-Célestin Edjangué

SKL,

C’est ainsi, je t’appelais en privé,

Je suis arrivé à Douala, il y a quelques jours, pour la commémoration du rappel de maman auprès des Ancêtres, il y a un an. Une double cérémonie au village de maman, puis en ville, à la Chaumière, chez Rose et Sam, notre maison dont nous avons assuré la communication pour son lancement. C’est Rose qui m’apprend que tu es malade depuis plusieurs semaines. Je comprends alors que tu ne seras pas à la commémoration.

Le frisson me traverse quelques minutes, et je n’ai plus qu’une seule envie, celle d’aller rapidement te rendre visite, à l’hôpital de la Garnison militaire où tu te trouves.  Le sort en décidera autrement…

Ce jeudi, 01 août 2024, il est à peine 6 heures du matin quand mon téléphone sonne depuis Paris, pour m’annoncer la triste nouvelle. Un ami que nous avions en commun. Je lui dis de me laisser vérifier ce qui, à mes yeux, ne peut être qu’une rumeur. Malheureusement, vérification faite, je dois me résoudre à l’implacable et triste réalité. Je suis déboussolé.

Les coups de file de sollicitations médiatiques, de Paris, Washington, Dakar, Rabat, Douala, Yaoundé… inondent mon téléphone portable. Par pudeur, je n’y réponds pas de suite, sauf pour Canal2 International, dont Rodrigue Tongue, a été le premier à m’appeler pour avoir un témoignage via ses collaborateurs. 

Femme et journaliste de débat

S. Kala Lobè

SKL, tu étais une fervente partisane du débat, persuadée que c’est de la confrontation des idées que jaillit la lumière. Nous étions rarement d’accord dans nos discussions, mais chacun connaissait parfaitement bien l’autre. C’est ce qui nous a permis de travailler longtemps ensemble, même quand je suis reparti à Paris.

Ta culture générale, ton aisance avec la langue de Molière autant qu’avec celle de Shakespeare, ta construction intellectuelle, faisaient de toi une journaliste singulière, qui savait toujours élever le niveau de la discussion pour sortir du bluff et des postures de bas étages. Chose rare, cette attitude n’était pas seulement celle de la journaliste. Elle était avant tout celle de la femme, de la personnalité que tu étais.

Je n’ai pas mis beaucoup de temps à comprendre ton mode de fonctionnement, que j’admirais sincèrement, n’ayant jamais eu l’intention de te changer. Bien au contraire ! C’est d’ailleurs ce qui a facilité notre collaboration dans divers projets, à commencer par Actu’.

Actu’, un programme Tv pionnier en Afrique

L’idée du magazine Actu’ est à la demande de M. Emmanuel Chachué, Fondateur de Canal2 international,  qui avait sollicité Suzanne Kala Lobè pour concevoir un programme TV alliant information et divertissement. Nous sommes en 2004.

SKL m’en a parlé, puis ensemble, nous avons imaginé un talk-show de 52 minutes avec 13 minutes de reportage et 39 minutes de débat thématique sur l’actualité.

Le principe d’Actu’ était de camper le sujet dans le reportage, puis d’en débattre ensuite, sans complaisance, mais avec courtoisie. Il s’agit d’avoir chaque vendredi en prime time, un nouveau sujet entre le sport, la culture, l’économie, la politique, l’environnement, l’éducation, la diplomatie, la santé…, avec un plateau relevé composé d’un analyste (Politologue, sociologue, journaliste, géographe, environnementaliste, architecte, médecin, avocat…), un membre du gouvernement, un opposant.

SKL était le feu, et moi l’eau. Notre duo formait un tout cohérent, équilibré, entre impertinence et réflexion en profondeur.

Nous produisions l’émission grâce à la structure EBK Productions, que nous avions créée, et Canal2 international en assurait la postproduction.

C’est le même souci de travail en équipe qui a présidé à la création du magazine de la propreté « Bosangi », publié par Hysacam, depuis le milieu des années 2000, alors que bien de nos détracteurs ne donnaient pas longue vie à ce journal. Là encore, nous étions bien en avance.

Tu es donc partie, SKL, sans crier gare.

C’est ta volonté.

Je la respecte, bien évidemment.

Tu resteras à jamais dans mon cœur.

Que la terre de tes Ancêtres te soit douce et légère.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *