Élue municipale de Champigny-sur-Marne, cette camerounaise d’origine a co-signé une tribune parue sur les colonnes du quotidien Le Monde, le 02 juillet dernier, initiée par Louis Mohamed Seye, Sociologue et Ismaïala Wane, ingénieurs et conseillers municipaux, sur « Déconstruire l’imaginaire colonial et revivifier les mémoires douloureuses qui concernent l’empire français ».
Quand on lui demande pourquoi cet engagement ? Caroline Adomo répond naturellement, sans sourciller. « Cette tribune s’inscrit dans une démarche entreprise par d’autres depuis plusieurs décennies. Nos aînés se battaient déjà sur cette nécessité de reconnaître l’apport des combattants issus des anciennes colonies dans la libération de la France. Ce combat a toujours été repris. Cette tribune est une suite logique. En tant qu’élue de la République française originaire d’un de ces pays, de par mes parents, et fortement consciente de cette double culture, ayant des grands-parents qui ont combattu pour la France, étant mère également, la question ne s’est pas posée ». La question mémorielle, il est vrai, semble faire un retour en force parmi les préoccupations des Africains et Afrodescendants, avec en toile de fond une quête sincère pour rétablir l’égalité historique face à des faits jusque-là rapportés par les vainqueurs. Une recherche qui, aux yeux de cette élue de Champigny -Sur-Marne, n’est sûrement pas le fait du hasard.
« Déconstruire les préjugés coloniaux »
« Cela s’explique d’abord par le fait que de plus en plus d’Afrodescendants ont connaissance de l’histoire « oubliée » de ces anciens combattants africains. Des actions de sensibilisation menées par des descendants et des historiens parviennent de plus en plus au grand public. La falsification d’une partie de l’histoire par certains et son non-enseignement n’ont pas aidé à réconcilier une partie de la population avec les historiens. Il existe aujourd’hui une défiance qui s’accroît vis-à-vis du récit national qu’il va falloir dépasser », confie-t-elle, avant d’insister : « Cette recherche en rétablissement de la vérité est nécessaire pour contribuer à déconstruire les préjugés coloniaux sur les populations concernées. Ces dernières, qui subissent ces préjugés depuis fort longtemps, en souffrent quotidiennement ».
« Ne fermons pas la porte »
L’attachement à la recherche de la vérité historique serait-elle à l’origine de la proposition controversée du président Emmanuel Macron, lors de sa visite au Cameroun les 25 et 26 juillet derniers, visant à mettre sur pied des commissions d’historiens au Cameroun et en France pour « faire toute la lumière sur les faits commis par la France » lors de la lutte nationaliste ? Probablement. Et tant pis si ces faits sont répertoriés, connus, publiés. « Je pense que cette proposition doit être examinée avec une certaine ouverture d’esprit. Bien que les faits soient connus et répertoriés, cela ne doit pas empêcher un travail de collaboration et l’instauration d’un dialogue entre les différentes parties prenantes. La perception de l’histoire et l’analyse du fait historique peuvent donner lieu à plusieurs interprétations pour de multiples raisons », soutient Mme Adomo, ajoutant dans la foulée : « Instaurer une commission d’historiens pourra permettre la convergence des points de vue. Chaque groupe aura à cœur, j’ose le croire, de défendre la réalité des faits selon les méthodologies qui guident ce type de travaux ». Et de conclure : « Ne fermons pas la porte à cette opportunité de rétablir la vérité de ce récit commun ». Un récit qui participe pleinement de la co-construction.
J.-C. E.