Une après- midi d’échanges entre les imaginaires des écrivains de renom ayant le triangle national en partage..
Kidi Bebey, Hemley Boum, Romuald Fonkoua, Augustine et par vidéo interposée, Max Lobe, ont offert à la cinquante de personnes qui ont fait le déplacement jusqu’à la salle de lecture Jacques Kerchache de la Médiathèque du musée du Quai Branly, à Paris, un moment inoubliable de partage et de culture, sous la modération de Violaine Binet. En cette après-midi torride du samedi, 18 juin, on peut dire que l’appel lancé en direction du public, a été entendu. Un appel particulier, presqu’aussi solennel, quoique moins grave, que celui du Général de Gaule, il y a 82 ans, à Londres. Cet autre appel, de Paris, a convoqué des passionnés des belles lettres et de la littérature camerounaise et donc forcément africaine, la table ronde autour du « riche horizon du roman camerounais », ayant été le prétexte rêvé pour tenter de comprendre la permanence des d’un roman qui continue depuis plus d’un siècle de traverser des générations entières de grands écrivains, qui ne cessent de remporter les prix littéraires les plus importants bien au-delà des frontières du triangle national et des contours de l’Afrique.
Diversité des auteurs et constance du récit historique
De Marie-Claire Matip, considérée comme une des écrivaines pionnières avec Ngonda, un récit de 47 pages, paru à librairie du Messager, en 1958, qui raconte de façon chronologique sa vie de sa naissance à la fin de son adolescence, dans le contexte de la triple influence coloniale du Cameroun sous domination allemande puis sous mandat britannique et sous protectorat français, à Max Lobé, Eugène Ebodé, Hemley Boum,…en passant par Mongo Béti, Léopold Ferdinand Oyono et Francis Bebey, l’horizon du roman camerounais est marqué par les histoires et sujets sortis des « imaginaires brassés » des différents écrivains. Des histoires qui rencontrent souvent la vraie histoire, « celle que tout le monde connaît, mais que l’on n’enseigne pas, qu’on ne raconte ni en famille, ni à l’école », ont affirmé Romuald Fonkoua, Hemley Boum et Kidi Bebey, la journaliste , éditrice et auteure de Mon royaume pour une guitare, fille de Francis Bebey, qui s’est même laissée aller à une anecdote à ce propos. « J’ai appris à connaître mon arbre généalogique par Achille Mbembé au hasard d’une rencontre, qui m’a révélé qui était le Dr Bebey Eyidi, mon oncle, médecin généraliste à Douala et engagé politiquement, de le connaître bien plus que ce dont on m’en avait parlé jusque-là à la maison ». Un éclairage qui lui a permis de mieux comprendre pourquoi, en dépit des discussions récurrentes sur le « Mboa », qui en langue duala désigne à la fois le domicile, lieu d’habitation que le pays d’origine, la terre de naissance, ses parents sont restés vivre en France.
Les mondes visible et invisible
« J’écris pour rencontrer ceux qui me lisent, partager avec eux mes imaginaires, ma vision de ce que à leur dire, ce qui est visible, mais aussi ce qui est invisible. Tout mon jeu en matière d’écriture, consiste à pouvoir convoquer dans l’esprit des lecteurs, cette liaison entre les mondes visibles et invisibles ». Eugène Ebodé, ne tourne pas autour du pot, lorsque Violaine Binet, la modératrice fait un tour de table demandant à chacun des panélistes pourquoi il écrit. Augustine, auteure, scénariste, a une autre réponse à cette question. « J’écris pour le public marginalisé, pour ceux qui ne crient plus beaucoup au discours conventionnel, à la vie superficielle qu’on tente de nous vendre comme la meilleures… », alors que Kidi Bebey, par exemple, « écris pour trouver des réponses aux questions qu’elle se pose » et Hemkey Boum, pour « transmettre, laisser une trace, interpeller la société sur le devoir de mémoire», comme dans Les Maquisards, un roman paru en 2015 et qui, à travers une saga familiale bouleversante, inattendue et particulièrement émouvante, raconte le rôle éminent du peuple bassa dans la libération du joug de la colonisation au Cameroun.
A en croire les applaudissement de la salle, à 18h15, au moment de la conclusion de cette table ronde autour du « riche horizon du roman camerounais », à la salle de lecture Jacques Kerchache de la Médiathèque du musée du quai Branly, à Paris, on peut dire bravo aux organisateurs de cette rencontre.
Par Jean-Célestin Edjangué