Propos d’un rescapé du Camp Boiro qui était aussi un très proche du président Ahmed Sékou Touré.

 « Le présent Livre Premier de la série « Camp Boiro » est un récit-témoignage qui couvre une période de sept ans, allant du 14 juin 1971(date de l’arrestation de l’auteur) au 25 mai 1978 (date du retour au camp Boiro de Conakry, capitale de la République de Guinée, des quinze derniers rescapés de la prison civile de Kindia). Les évènements racontés se déroulent presque tous dans la prison civile de Kindia, que surplombe « le Mont Gangan, dont la crête chauve, semblable au bec d’un carnassier géant, domine la ville. Cette montagne sorcière, qui se nourrit de sang d’homme, attend ses prochaines victimes. En effet, c’est au pied de cette montagne qu’on exécute les détenus politiques ».

Dès les premières lignes de la 4ᵉ de couverture, en guise de résumé du contenu de l’ouvrage, on sait qu’on a entre les mains, sous les yeux, un texte pas comme les autres. Et pour cause ! Ce livre, Premier de Petit Barry, est un témoignage bouleversant de l’un des proches du président Sékou Touré sur l’instrumentalisation de l’horreur et la terreur comme mode gouvernance sous son régime.

« Du héros au bourreau… »

L’auteur qui jusque-là considéré l’homme du Non au général de Gaulle comme père de la nation guinéenne, va découvrir l’envers du décor : « Son séjour dans ces lieux interdits permet à l’auteur de découvrir la face cachée du charismatique leader de la Révolution guinéenne Ahmed Sékou Touré et celle de ses cyniques et cruels collaborateurs qui agissent dans la nuit noire. Petit Barry, l’Éditorialiste de « la Voix de la Révolution » connaissait le héros qu’il a baptisé dans une de ses émissions « Fils du Peuple » ; il va découvrir le tyran et le destructeur d’hommes », note encore la page de résumé, soulignant que ce roman parle aussi des histoires d’amour. « En lisant le livre, vous découvrirez également la belle silhouette de Ngalou (qui signifie Trésor en pular), la jeune fiancée que Mamadou a laissé dehors. Elle hante et enchante le prisonnier du Mont Gangan, et son sourire reste gravé dans sa mémoire, comme un doux rayon de soleil, pendant toutes ces années de douleurs et de deuils ».

Dans la recension qu’il fait du livre de Petit Barry(Cf. lepoint.fr/afrique,16/01/2023), l’écrivain guinéen à succès Tierno Monénembo, rappelle l’intérêt singulier de cette contribution de l’ex-bras droit de Sékou Touré.

« Un parcours brillant »

« Une bibliothèque entière ne suffirait pas pour témoigner des atrocités commises dans le goulag guinéen, sous le long règne de Sékou Touré. À chaque nouveau livre, une nouvelle geôle, un nouvel instrument de torture, une nouvelle version de l’horreur. Cet ouvrage-ci revêt un double intérêt : il nous parle d’un autre enfer que celui du fameux Camp (la sinistre prison de Kindia, une ville située au pied du mont Gangan) et surtout, son auteur vient du cœur même du système, des cuisines du tyran pour ainsi dire », raconte-t-il, expliquant : « Il s’appelle Mamadou Bowoi Barry, mais les Guinéens le connaissent sous le sobriquet de « Petit Barry ». En feuilletant son livre, Sept ans sous le mont Gangan, le lecteur découvre comment l’hydre Sékou Touré attirait les intellectuels idéalistes avant de les étouffer et de les engloutir ».  Quant à son parcours, il parle de lui-même : « Collégien en 1947, bachelier en 1954, « Petit Barry » a épousé très jeune les idées de son époque (la réhabilitation de l’homme noir, l’anticolonialisme, l’anti-impérialisme, le socialisme, le panafricanisme, etc.) et a très vite vénéré ses idoles (Sékou Touré, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, le FLN algérien 1ère manière, Hô Chi Minh, Castro, Guevara, etc.) Après un an de propédeutique à l’Institut des Hautes études de Dakar (où il s’initie au militantisme à la veille des Indépendances), il s’inscrit à la Faculté des lettres de Toulouse, ville où la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire), particulièrement active, édite son organe de presse, L’Étudiant d’Afrique noire, dont il devient très vite l’un des rédacteurs », écrit le Prix Renaudot 2008 avec Le Roi Kahel, indiquant : « Il s’y liera d’amitié avec deux figures marquantes de la vie estudiantine africaine : le Camerounais Osendé Afana (il mourra au maquis à l’âge de 36 ans) et le Dahoméen Albert Tévoedjré. Mais à Toulouse, la Ville rose, le militantisme ne vaut qu’en y ajoutant du cœur. En 1957, « Petit Barry » convole en justes noces avec Marguerite Sophie, la fille de l’écrivain sénégalais Abdoulaye Sadji. Elle lui donnera ses quatre premiers enfants ».

L’intelligence et l’engagement militant, deux éléments qui ont pu lier Petit Barry à Sékou Touré. Mais ce dernier, devenu tyran, un monstre public, a mis en place un système destiné à broyer in compris ses propres amis d’hier.

J.-C.E.

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