Président du Rassemblement pour une initiative de développement avec une jeunesse avertie(RIDJA), qui œuvre pour une alternance démocratique par les urnes aux Comores, il analyse la situation de l’Archipel en matière politique, économique et sociale, 47 ans après l’indépendance.

L’Archipel des Comores, dans l’Océan indien, fête le 47ᵉ anniversaire de son indépendance, ce mercredi, 6 juillet 2022. Quelle signification a cette célébration, pour le citoyen Comorien et homme politique que vous êtes ?

L’indépendance d’un pays est un acte politique très fort qui rétabli et reconnaît la dignité et la liberté d’un peuple. En tant que citoyen comorien, j’éprouve un sentiment de gratitude et de reconnaissance aux pères fondateurs des indépendances de l’Afrique, pour toutes les formes de sacrifices consentis pour notre liberté. En tant que dirigeant d’un parti politique, je mesure l’ampleur des défis colossaux immédiats que doit relever notre génération pour construire les Comores de demain. Pour y parvenir, il nous faut d’abord du patriotisme qui fait tant défaut à nos aînés qui ont bradé nos héritages socioculturels et nos valeurs, voire notre identité. Ensuite, nous devons relever les défis de l’éducation pour préparer et donner des moyens nécessaires aux futures générations de Comoriens pour relever les défis de notre époque, faute de quoi, nous continuerons à subir les conséquences des bouleversements en cours dans notre société et dans le monde. Enfin, notre société est marquée par autant d’injustices qui génèrent toutes formes d’exclusions et de violences qui apparaissent enfin au grand jour.

Le Ridja, dont vous présidez à la destinée, a organisé le 02 juillet, à Montreuil, à Paris, une soirée de gala pour la fête des 47 ans de la souveraineté des Comores. Quel était l’objectif recherché ?

Le RIDJA a célébré l’indépendance de notre pays le 2 juillet, un samedi, pour permettre à nos compatriotes et aux amis des Comores d’y prendre part. Le Ridja avait tenu à célébrer les pères fondateurs des indépendances de l’Afrique, s’inspirer de leur patriotisme, de leur engagement, se ressourcer de leur amour pour l’Afrique et l’avenir de ses peuples pour dégager une nouvelle vision pour l’Afrique de demain. La cérémonie fut donc marquée par la lecture des différentes déclarations d’indépendance de nombreux pays et la reconnaissance de l’esprit de sacrifice consenti pour libérer du colonialisme. Au fait, la présence des forces vives africaines à cette cérémonie répond à une nécessité de rassemblement des forces patriotiques, progressistes et démocratiques d’Afrique pour tenter de voir, dans quelles conditions il serait possible de créer une force politique africaine avec pour ambition, la liberté et l’indépendance effective de l’Afrique avec pour perspective une vraie Union Africaine à l’instar de l’Union européenne. Elle se fera progressivement sans doute avec des pays prédisposés au néo-panafricanisme.

Le président, Azali Assoumani, est revenu au pouvoir en 2016 après une traversée de désert d’une dizaine d’années. Il a été réélu en 2019 pour un nouveau mandat de 5 ans. Quel bilan dressez-vous de son régime ?

Le bilan de Azali Assoumani se résume à la démolition de notre héritage socioculturel. Notre pays, les Comores, est méconnaissable. Son premier décret comme président réélu portait sur la dissolution arbitraire et anticonstitutionnelle de la commission nationale anticorruption pour pouvoir institutionnaliser la corruption, le détournement des deniers publics qui sont plus que tolérés. Azali encourage et laisse sa famille, notamment son fils, investir à l’étranger, particulièrement dans les zones franches et off-shore avec de l’argent dont la traçabilité est douteuse et incertaine. Les autres membres de sa famille, ses proches collaborateurs se sont enrichis et ont construit et acheté des immeubles aux Comores et à l’étranger sans pouvoir apporter la preuve de l’origine légale des fonds destinés à leurs acquisitions. Si on revient en arrière, jamais dans l’histoire des Comores, on a enregistré autant des crimes économiques, des meurtres et assassinats atroces souvent commis sous commandement du colonel Azali Assoumani. Dans sa déclaration en date du 4 juillet 2022, il a enfin reconnu l’émergence des violences aux Comores. Il ne peut cependant être le pompier du feu qu’il continue d’attiser. Il est de l’intérêt des Comores et de l’avenir des futures générations des comoriens qu’il quitte le pouvoir afin de permettre aux Comores de retrouver sa sérénité et la confiance nécessaires pour réfléchir enfin à des schémas appropriés pour notre avenir.

Le président Azali a lancé, au mois mars dernier, le dialogue inter-comoriens avec l’ambition de pacifier et de réconcilier les Comoriens. Comment le président du Ridja analyse cette démarche ?

Le dialogue est le souhait des anciens candidats à l’élection présidentielle anticipée qui devait avoir lieu le 24 mars 2019 et soutenu tardivement par la communauté internationale, lorsqu’elle s’est rendue compte du blocage institutionnel et politique dans lequel se trouve les Comores suite au nouveau coup d’Etat électoral commis par Azali Assoumani. Comme pour les Assises Nationales, il en a fait un instrument pour légitimer ses atrocités et les crimes économiques commis contre les Comores. Les forces politiques et la société civile n’ont pas accepté ce marché de dupe et refusent de se faire manipuler et instrumentaliser par Azali. Il y aura sans doute un dialogue, un vrai dialogue de sortie de crise et qui n’aura pas pour objet non pas de préparer les prochaines mascarades électorales, mais établir un vrai bilan et des bases pour le futur des Comores. L’objectif immédiat du Ridja qui est celui de routes les forces vives des Comores de libérer notre pays. L’échéance de 2024 est celle de Azali et ses complices et non pas celle de l’avenir et de futur des Comores.  Nous ne pourrons pas concevoir l’avenir des Comores dans un environnement hostile au droit et aux valeurs de liberté et de démocratie.  Donc, notre priorité est le retour à l »’ordre démocratique et à un État de droit. Ensuite, une fois que le pays sera libéré, en tant que force politique, le Ridja que je dirige, arrivé deux fois au deuxième tour d’élection présidentielle, assumera ses responsabilités en présentant des candidats aux différentes échéances électorales, nationales et locales.

La prochaine présidentielle aux Comores est prévue en 2024. Serez-vous candidat sachant que le président Azali veut s’opposer à double nationalité à tout candidat à la présidentielle ?

Le Ridja n’inscrit pas ses actions et ses priorités sur les mascarades et le énième hold-up électoral que Azali Assoumani prépare en 2024, nous ne sommes pas concernés par cette plaisanterie, qu’il continue ses œuvres de démolition sans notre complicité.

Le Ridja croit que la société comorienne qui s’est libérée du régime colonialiste ne sera véritablement libre que si elle détruit l’appareil économique et social créés par ce régime. Le Ridja estime qu’à l’heure ou le peuple Comorien accède à la conscience et est résolu de vivre dans la liberté et la dignité, il est impératif que cette quête de liberté et de dignité se traduisent par l’essor social et l’épanouissement du Comorien. Or, il faut rétablir la justice sociale en détruisant les obstacles qui enlèvent au comorien sa dignité d’homme.

Comment entrevoyez-vous les Comores des 20 ou 40 prochaines ?

Le Ridja estime que la décadence de l’appareil économique entraîne la décadence des mœurs publiques et privées et détruit le tissu culturel et social comorien sans pour autant disposer des ressources humaines pour étudier ce phénomène dans le contexte comorien. Pour y faire face, le Ridja étudie et mettra en place un vaste plan Marchall de l’éducation avec un volet très important sur la culture pour redéfinir et renforcer les éléments constitutifs de l’identité comorienne. Un autre plan contre la pauvreté, les injustices et l’exclusion sociale est nécessaire, tout comme un autre sur le système sanitaire aux Comores. Si notre pays est capable de dégager des centaines de milliards affectés à des investissements privés de nos dirigeants, nous pouvons trouver les ressources nécessaires pour préparer l’avenir de notre pays et mettre fin aux souffrances des Comoriens. Enfin, ces actions et initiatives ne peuvent aboutir que si nous les inscrivons dans une dynamique panafricaine. Nous disposons de deux forces qui doivent être mises à contribution pour bâtir notre avenir, la jeunesse de notre diaspora très instruite dynamique et sans complexe et le néo-panafricanisme décomplexé et responsable. Un panafricanisme qui tire les leçons des drames de notre passé encore présent et de nos échecs, mais refuse le paternalisme et la posture de l’éternelle victime. Désormais, nous entendons être maîtres de notre destin et assumons de ce fait notre responsabilité.

Entretien mené par Jean-Célestin Edjangué

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