L’artiste guinéen, conteur, fondateur de l’association artistique et culturelle Koumakan ainsi que la Grande Nuit du Conte vient de sortir un nouveau recueil en français-poular, illustré par Oscar, caricaturiste de talent. De passage à Paris sur le trajet le conduisant au Mans, pour la signature d’une Convention avec la Cité international du music Hall et des arts populaires, il a bien voulu nous accorder quelques instants pour faire le point sur ses activités et évoquer la 5ᵉ édition de la Nuit du conte, le 8 décembre 2023.
Bonjour Petit Tonton, puisqu’on se connaît, on va se tutoyer. Tu es en France depuis le 16 janvier dernier. On sait aussi que tu as une actualité débordante, dans la continuité de l’année écoulée avec la 4ᵉ nuit de Contes qui s’est déroulée à Conakry début décembre. Quel bilan peut-on en dresser ?
Merci de me donner l’opportunité d’en parler. Les Anciens disent que si tu n’as personne pour parler de toi, tu peux mourir inconnu(éclats de rire). L’année 2022 s’est terminée en beauté. Avec un bilan très positif de la quatrième édition de la Grande nuit du conte qui dans les innovations a connu les grandes veillées dans les quartiers. C’est ce que nous souhaitions depuis la première édition et que nous sommes parvenus à réaliser lors de cette édition 2022. Les grandes veillées étaient donc organisées dans les quartiers, dans des concessions, dans des Maisons de jeunes de Conakry. Nous souhaitions faire plus, mais au moins, on a réussi à le concrétiser. La Nuit du conte elle-même, le 09 décembre 2022, a été un immense succès. On a fait solde out à dix jours de l’évènement et on a travaillé sur un spectacle pendant deux mois et demi sur le thème de l’ingratitude. Les Anciens disent aussi que le bienfait devrait trouver refuge dans la cité de la réciprocité, à défaut, dans celle de la reconnaissance. Et on voit que dans le monde d’aujourd’hui, l’ingratitude est devenue presque un réflexe pour les gens. Ils ne font plus attention à ce que les autres peuvent leur apporter où leur apporte souvent dans la vie. En fait, les gens ne savent plus dire merci. Même si on dit aussi que merci et crime ont les mêmes lettres. Ce qui veut dire que quand on fait du bien et qu’on ne dit pas merci, c’est qu’on a commis un crime. Ce sont encore les Anciens qui le disent. L’année a été également fructueuse avec des partenariats en vue pour 2023. C’est ce qui m’amène à Paris, depuis le 16 janvier 2023, pour d’abord de rencontrer, dans la perspective des prochaines éditions du projet de Koumakan, rencontrer au Mans, les responsables et fondateurs de la Cité internationale du music-hall, mais aussi d’autres projets comme des Résidences d’artistes au Mans et à Conakry, sans oublier le travail sur un projet pédagogique autour des contes dans des bibliothèques, médiatiques et écoles.
A-t-on déjà une idée des innovations de la 5ᵉ Nuit du Conte ?
La cinquième édition aura lieu le 8 décembre 2023 à Conakry. Et en prélude de cette manifestation, nous essayerons d’aller à l’intérieur du pays, organiser une exposition autour d’un thème qui reste à déterminer. Nous voulions l’organiser l’année dernière, mais il a semblé utile de la programmer cette année, comme une des nouveautés de l’évènement.
Ton actualité immédiate, c’est la sortie, il y a tout juste quelques jours, de ce superbe recueil de contes « L’écureuil et l’épervier », écrit en français et poular, illustré par la plume d’Oscar, le caricaturiste, Directeur de publication de Bingo. Veux-tu nous en dire un mot ?
« L’écureuil et l’épervier » ou « Njoldu e segeleeer » en poular s’inscrit dans la continuité du projet de collecte des contes de la Maison de l’oralité. Cette dernière est le gros projet de notre association Koumakan. Dans cette Maison de l’oralité, nous avons la collecte, la conservation, la vulgarisation de tout ce qui pourrait patrimoine immatériel, des contes aux comptines, berceuses, proverbes, jeux et métiers traditionnels. Ce deuxième recueil, après « La vallée de l’espoir », lui aussi paru chez l’Harmattan, Guinée, en 2022, parle du rapport entre les forts et les faibles, les grandes puissances et les pays en développement, les riches et les pauvres, les beaux et les vilains, tous ces contrastes racontés à travers l’histoire d’une maman écureuil et d’une maman épervier qui avaient élu domicile dans un grand arbre.
Quelle est la morale de cette histoire ?
Il y a effectivement au moins une leçon de morale dans chaque conte. Ici, c’est de dire que chaque trou de serrure a une clé, chaque pied sa chaussure. Et que le carma existe. Parce qu’on est dans un monde d’ingratitude, de démonstration de puissance, on en oublie qu’il y a une loi naturelle qui sanctionne toujours en dernier lieu.
Recueilli à Paris par J.-C. Edjangué