Ce jeudi, 05 janvier, une trentaine d’organisations politiques et de la société civile africaine étaient réunies, boulevard de Sébastopol, dans le 1er arrondissement de la capitale française, pour préparer une action commune contre l’éventuelle présidence du chef de l’État des Comores à la tête de l’institution panafricaine début février prochain et pour un an.

Le président Macky Sall du Sénégal, actuel président de l’Union africaine, achève son mandat annuel à la tête de l’institution continentale, début février 2023. Le Kenya du président William Ruto, vainqueur de l’élection présidentielle du 9 août 2022, doit normalement prendre le relais au sommet de l’UA. Mais, un communiqué du président Azali, paru il y a quelques jours, à travers lequel le chef d’État des Comores remercie son homologue kenyan de s’être désisté à assurer cette même présidence de l’Union africaine, préoccupe bien au-delà de l’opposition comorienne.

Une partie des intervenants après la conférence de presse du 05 janvier à Paris

Mobilisation tous azimuts

 Une trentaine d’associations et organisations non gouvernementales des diasporas africaines s’en offusquent dont le Ridja (Rassemblement pour une Initiative de développement avec une Jeunesse Avertie), le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert(PAIGC), l’Alliance des forces patriotiques pour une Guinée libre(AFPGL), Waraba d’Afrique, ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme, Association contre la domination de l’esclavage, Parti panafricaniste congolais, Ligue Panafricanisme UMOJA, Rassemblement malien pour la Fraternité et le Progrès(RMFP), Collectif des Français d’origine ivoirienne et des amis de la Côte d’Ivoire(CFIACI)…

L’objet de la rencontre : « Élection du Président de l’Union Africaine : les actions et initiatives en cours pour contester la légitimité de la candidature du dictateur colonel Azali Assoumani à la Présidence de l’Union Africaine ».

Une conférence de presse qui se tenait à quelques mois de la Présidentielle et l’élection des Gouverneurs, en 2024, ainsi que les législatives 2025 aux Comores.

À 18 heures précises, Me Saïd Larifou, président du Ridja et de l’ONG Waraba d’Afrique, a pris la parole pour introduire cette conférence de presse qu’il a situé dans son contexte avant d’appeler à la mobilisation générale des Africains où qu’ils soient contre la candidature de M. Azali Assoumani à la présidence de l’Union Africaine.

« Décoloniser l’Afrique, créer l’union africaine des peuples »

Pour l’historien Amzat Boukary, président de la Ligue panafricaine (UMOJA) : « Il est de la vigilance des peuples pour tirer la sonnette d’alarme et être vigilants. Lorsque l’OUA devenue UA a été créée en 1963, on parlait de syndicat des chefs d’États. Il faut donc décoloniser l’Union africaine. Nous devons nous interroger sur la manière dont l’Union européenne finance l’Union Africaine », a-t-il indiqué, poursuivant : « La question de la guerre migratoire menée aux Africains à l’intérieur comme à l’extérieur du continent est très importante. Nos jeunes ne quittent pas nos territoires par gaité de cœur. Ce n’est qu’au niveau de l’Union africaine qu’il faut trouver des forces pour converger vers l’action. Il y a aussi la question des diasporas qui pose un enjeu de démocratie. Le colonel Azali Assoumani coche toutes les cases du prototype néocolonial s’il est élu comme président de l’UA ». Amzat Boukary estime que « Nous sommes dans un territoire qui reste à décoloniser, parlant des Comores. Nous devons entamer un travail autour de l’ensemble de nos nations pour faire redescendre le pouvoir au niveau des peuples, pour créer l’Union africaine des peuples ».

Abdourhamane, président de l’association d’assistance aux Nigériens, a surtout attiré l’attention sur son pays. « La situation au Niger est instable. Le pouvoir en place ne recule devant rien pour dilapider les biens du pays et les donner aux européens. C’est une situation inacceptable », a-t-il mentionné. Quant à la Conseillère municipale et présidente du Collectif des Français d’origine ivoirienne et des amis de la Côte d’Ivoire(CEFIAC), Mireille Saki, elle a déclaré que : « l’année 2023, est une année charnière en matière de paix et sécurité alimentaire », profitant de l’occasion pour adresser son « message aux chefs d’État africains ». Pour elle, « L’Union africaine est un club d’amis qui jouent au poker au détriment des intérêts des populations. La faute revient en grande partie aux diasporas qui ne se mobilisent pas assez pour lutter contre cette situation. Les institutions comme l’Union africaine devraient être dirigée par des membres de la diaspora puisque c’est la 6ᵉ région de l’Afrique. Il faut aider les chefs d’Etat, qui sont élus à la tête de l’UA de manière tournante, à prendre conscience de ce qu’il faut faire », soutient-elle, martelant : « M. Azali a déjà maille à partir avec son peuple qu’on ne voit pas très bien comment il pourra bien diriger 55 États qui forment l’Union africaine. Nous allons faire des pétitions, mais nous allons veiller à ce qu’il apprenne à diriger. La plupart de nos dirigeants africains meurent à l’étranger avec rapatriement des corps aux frais des contribuables ». Elle insiste : « Nos instances auprès de l’Union Européenne ne nous servent à rien. Nous allons nous organiser et faire notre rentrée tant diplomatique, sociale et politique. J’invite tous nos membres des diasporas à se mobiliser pour que nous soyons présents à l’Union africaine pour véritablement observer ce qui s’y passe au quotidien ».

« Des États vidés de leur substance »

Flavio Ferreira Batica, représentant du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert(PAIGC), affirme que : « tous les peuples africains doivent se mobiliser pour aider le peuple Bissau-Guinéen dans la passe difficile qu’il traverse. La plupart des dirigeants africains se méfient de la diaspora. Il y a beaucoup de ressemblance entre les Comores et la Guinée-Bissau, dans la manière dont les deux pays sont dirigés. L’illégalité des pouvoirs en place qui se comportent comme étant légitimes. Sans aide de l’Union Européenne, partenaire privilégiée de l’Union africaine, les choses ne pourront pas changer », soutient-il.

Me Kilandamoko Kutshi Muke, résident à Kinshasa, président du Parti Panafricaniste Congolais(PPC) s’est appesanti davantage sur la nécessité d’œuvrer dans le même sens. « Nous sommes solidaires de nos frères et sœurs des Comores. Dans quelques jours, je serai sur le terrain à Kinshasa, pour continuer l’action et appliquer les résolutions prises ici à Paris ». Une initiative d’autant plus utile que la Représentante en France du parti IRA de Mauritanie et président de Kane Afrique, Traoré Doro, dresse un constat sans concession des États en Afrique. « Nos États ont failli. Ce n’est pas normal que l’Union africaine soit financée par l’Union Européenne. Azali Assoumani met ses opposants en prison, y compris des anciens chefs d’État comme Sambi. La jeunesse africaine est en train de périr en méditerranée sans que cela émeuve un seul dirigeant européen ou occidental. Chez nous, en Mauritanie, il y a un homme politique qui se bat contre l’esclavage. Mais il est empêché depuis 2013 d’avoir un récépissé pour être candidat à l’élection présidentielle. Face à de telles situations, la diaspora doit prendre ses responsabilités ». Enfin, Mchinda Mze, Sg du Ridja, a de la peine à voir le fonctionnement de l’Union africaine aujourd’hui. « Je saisis l’occasion pour exprimer mon regret de ce qu’est devenue l’Union africaine. Depuis une vingtaine d’années, elle a été vidée de sa substance. Le problème vient des indépendances inachevées par ceux qui ont pris le pouvoir par la suite. La question de la jeunesse africaine, malmenée au quotidien sans que personne ne trouve solution pour répondre à ses aspirations et rêves. Je me réjouis qu’il y ait une prise de conscience qui s’exprime ici aujourd’hui ».

Il faudra bien évidemment attendre quelques jours, voire semaines, pour savoir si l’action concertée par la trentaine d’associations contre la candidature du chef d’État des Comores, Azali Assoumani, à la présidence de l’Union africaine aura les effets escomptés.

Par Jean-Célestin Edjangué

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