Président fondateur de la Fondation AfricAvenir, créée en 1985, Universitaire et écrivain, ce Prince Bellè Bellè, œuvre pour la conservation, transmission et promotion de la culture africaine. Nous lui avons rendu visite au siège de sa fondation,  Bonabéri. Dans cet entretien exclusif, le politologue, panafricaniste, homme de lettres et de culture, parle de la Genèse de la création d’AfricAvenir, des ambitions de cette structure unique en Afrique et dans le monde, sans oublier les difficultés inhérentes à son fonctionnement. Renversant !

La Fondation AfricAvenir a été créée en 1985, à Douala, au Cameroun. Quelle est la Genèse de sa création et quels en sont les objectifs ?

La Genèse de la création de la Fondation AfricAvenir, c’est que dans mes petites expériences, j’ai constaté que les Africains, surtout dans les pays francophones, vivent avec une mémoire effacée. C’est-à-dire, quels que soient les diplômes qu’ils ont, ils ne savent pas qui ils sont. Parce qu’on ne leur a pas permis de savoir qui ils sont. On leur a dit que vous êtes une sorte de coquilles vides qu’il faut remplir. Et quand on voit le résultat de l’esclavage, de la colonisation, de la néo-colonisation, l’enfant qui va à l’école, il commence à apprendre quoi ? Quand j’étais petit, l’hymne du Cameroun, c’était « Peu à peu, tu sors de ta barbarie ». C’est dire que l’Afrique millénaire n’est pas connue. On connaît seulement cette Afrique dominée, l’Afrique qui valorise uniquement tout ce qui vient de l’extérieur. Quand j’ai constaté tout cela, je me suis dit qu’on ne peut pas seulement à contenter de constater. Il faut faire quelque chose, créer un endroit qui montre un peu ce que l’Afrique représente pour l’humanité entière. C’est pour cela que j’ai créé la Fondation  AfricAvenir, en 1985. Nous avons commencé par l’édition des livres. C’est la structure la plus ancienne, parce qu’il n’est pas normal que l’Africain qui veut s’exprimer aille encore chercher un éditeur à l’étranger, et il faut que le propos de cet Africain plaise à cet éditeur étranger pour qu’il publie son livre. Je me suis dit que ça suffit ! Je ne vais plus envoyer un seul manuscrit en Europe pour être publié. Avant cela, j’ai publié en France, en 1973, chez Jean-Pierre Oswald, ou encore mon livre « Hitler voulait l’Afrique », chez l’Harmattan, en 1980. L’expérience que j’ai eue avec les Allemands, qui ont refusé de me publier, parce qu’ils voulaient que je parle de leur Afrique, que je véhicule l’image qu’ils avaient de notre continent.

C’est dans le même esprit que vous avez ouvert la bibliothèque Cheikh Anta Diop ?

La bibliothèque Cheikh Anta Diop, parce que quand vous allez dans les universités africaines, vous trouvez ce que les Européens, les Américains, les Chinois, les Russes, disent de l’Afrique. Mais, les Africains eux-mêmes, que disent-ils de notre continent ? Il n’y avait rien. Quand je suis venu à l’université de Yaoundé, où j’ai commencé à enseigner en 1979, je disais aux collègues qu’ils ne font que citer les Européens, les Américains dans leurs cours. Ils me répondaient « mais qu’y a-t-il ». Quand j’en ai eu assez, j’ai créé un comité pluridisciplinaire et nous avons sillonné tout le Cameroun de 1981 à 1986, pour dénicher les anciens qui avaient entre 80 et 100 ans, et leur demander « Comment était le Cameroun avant l’arrivée des Blancs ? Et quand les Blancs sont venus, qu’est-ce qui s’est passé ? ». Nous avons pu interroger 176 vieux qui avaient encore toutes leurs facultés intellectuelles. Aujourd’hui, en 2024, nous n’avons publié que 18 volumes. Dans la langue africaine et traduction en français, 12 volumes dans la langue africaine et traduction en anglais et 3 volumes dans la langue africaine et traduction en allemand. Parce que les Allemands aussi doivent savoir ce que nous pensons, comment nous avons vécu leur présence comme premiers colonisateurs, au Cameroun. Mais il nous reste encore 20 volumes à publier. Nous sommes vraiment asphyxiés, parce que nous ne trouvons pas de moyens financiers. Voilà pourquoi nous continuons à effectuer ce travail, depuis 1985, pour dire à l’Africain, tu dois d’abord savoir qui tu es, ce que tu as donné à l’humanité. Toi qui es là depuis 330 mille ans, puisque la dépigmentation de ta peau, c’est un phénomène récent dans l’histoire. Et tout ce qu’on te dit, c’est que toi, tu n’as rien fait, tu n’as rien produit, tu n’as rien inventé. Ce que nous faisons, c’est rassembler les documents qui montrent ce que les Africains ont fait depuis l’origine de l’humanité.

Quelles sont les difficultés que rencontre la Fondation AfricAvenir dans son fonctionnement quotidien et comment pensez-vous y faire face ?

Je dis toujours que j’ai fait ma part. J’ai d’abord construit ce petit immeuble, et AfricAvenir utilise gratuitement les dix locaux qui sont installés dans cette structure. Je ne prends pas un sou comme location. C’est d’abord cette contribution-là en plus de tout l’équipement. Tout ce que je dis, c’est que les gens doivent d’abord venir voir de quoi il s’agit. C’est ma contribution pour la nouvelle marche de l’humanité. Ceux qui ont les moyens, moi, j’en ai plus, j’ai mis mes petits moyens à disposition.  Que les gouvernements, les institutions, les femmes et les hommes de bonne volonté voient et donnent les subventions régulières. Demain, je ne serai plus là. Il s’agit de savoir comment sauvegarder cet héritage. Nous avons des documents qui datent de 100 après Jésus-Christ. À 24 ans, j’ai écrit un livre testament, avec le titre « J’ai 24 ans ». Je me suis dit, je vais me prendre au sérieux seulement si à 70 ans, j’ai respecté Et je pense que j’ai respecté. Je ne devrais plus être là, pour gérer AfricAvenir. Le monde de 2024, c’est de la folie. J’interpelle tous ceux qui peuvent nous aider pour pérenniser la Fondation AfricAvenir international. Nous sommes à Douala, à Paris, à Berlin et à Vienne. Le siège, à Bonabéri, est devenu très petit. Nous avons un bâtiment de huit étages « la Maison de la Renaissance africaine », nous cherchons les partenaires qui peuvent nous aider à construire cette maison.

Recueilli à Bonabéri par J.-C. Edjangué

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