Membres fondateurs du groupe Masao Masu, dont les sonorités allient la tradition des instruments des peuples Sawa, Côte Littorale du Cameroun, avec la modernité, ils expliquent la genèse du titre Lôbâ et la rencontre avec Manu Dibango.
D’où est venue l’idée du projet de ce titre et comment Manu Dibango s’y est retrouvé ?
Le titre Lôbâ a été conçu par nous deux. Le Grand Manu adorait la musique traditionnelle. Il nous a invités, en 2007, dans son émission à la radio Africa n°1. Il nous a dit, vous parlez de vous et de votre musique. Nous lui avons donné le CD, mais nous voulions jouer en direct le titre Lôbâ avec la cloche, le Mukeng. Ce n’était pas du tout préparé. Nous avons décidé cela le jour même de l’invitation. Et comme Le Grand manu avait toujours son saxe derrière sa voiture, il nous a écoutés chanter. Et immédiatement, il a pris son saxe et il a mis quelques notes derrière. C’était formidable. Après l’émission, il nous dit ce titre, Lôbâ, est un morceau magique. On ne sait pas comment et pourquoi il est magique. Mais je vous le dis, il est magique. On s’est dit que si c’est lui qui le dit, c’est que ça doit l’être. Il nous a un peu reproché de l’avoir pas appelé ou prévenu au moment où nous avions sorti l’album Mukeng que nous lui avons remis. Par la suite, avec notre arrangeur de l’époque, on s’est d’accord pour faire par exemple faire Lôbâ. On s’est retrouvé en studio, le Grand Manu a mis du saxe et l’arrangeur lui a demandé pourquoi il ne mettrait pas une voix… Manu a répondu : « Qui vous dit que je suis chanteur ? ». Nous lui avons dit faire comme il sait faire. Finalement, il a mis aussi la voix. Il nous dit que dans la vie, il y a un titre qui marque toute la vie. Moi, j’ai soul Makossa. Vous, ce sera peut-être Lôbâ. Nous dédions ce titre au Grand Manu
Si je comprends bien, vous avez joué une version de Lôbâ avec Manu Dibango mais qui n’est jamais sortie ?
Exactement. Comme la version originale avec Manu, nous ne la retrouvions plus, nous sommes retournés voir la première personne avec qui nous avions fait la version originale. Nous parlions des choses et d’autres, et du fil en aiguille, on se surprend en train de faire le remix de Lôbâ. Voilà comment le titre va renaître sous un autre visage sans rien avoir perdu de son authenticité. C’est depuis qu’on a commencé à faire la communication sur ce titre que nous en mesurons la portée. Nous sommes malheureux parce que Le Grand Manu tenait à ce que nous fassions un clip sur ce titre. La Covid en a décidé autrement. Il nous demandait de nous préparer, affirmant qu’il attendait vraiment le tournage du clip.
Comment s’est faite la rencontre avec Le Grand Manu ?
Nous nous sommes rencontrés dans une boîte de nuit parisienne, dans le 1er arrondissement, où j’étais DJ. Le Grand Manu était venu tourner une émission. Je lui ai dit que mon frère arrive bientôt, puisqu’il n’était pas encore là. Dans les années 1980. Depuis, on s’est rapproché, progressivement. On s’est ensuite croisé au Canada. Il nous a dit, vous pouvez vraiment faire des choses intéressantes au Canada. C’est un pays de culture. Puis un jour, on se revoit à Paris et il nous demande comment ça va ? Nous lui expliquons que nous cherchons à savoir s’il est possible que nous fassions des premières parties de ses spectacles. Il a demandé de confier le dossier à Claire Diboa, la manager, qui lui transmettra. Le Grand Manu avait un projet de centre culturel à Limbé. Il avait acheté un terrain, il avait les financements dédiés.
Recueilli à Sarcelles par J.-C. Edjangué