Journaliste, écrivain, auteur notamment de la France giflée aux éditions Sydney Laurent, qui raconte l’épisode du président de la République française, Emmanuel Macron, en visite à Tain-L’Hermitage, dans la Drôme, prenant la gifle de Damien Tarel, un jeune Français âgé de 28 ans, il analyse les enjeux du voyage de l’actuel locataire de l’Élysée, les 25 et 26 juillet prochains au Cameroun.

Qu’attendez-vous de la visite officielle du président Macron au Cameroun les 25 et 26 juillet prochains ?

En tant qu’observateur plus ou moins averti de la scène politique camerounaise et française, j’ose espérer que ce n’est pas un voyage pour inaugurer les chrysanthèmes au Cameroun. Parce que dans cette période particulièrement compliquée que vit notre pays, nous fondons un grand espoir dans ce voyage. Il se dit toute sorte de choses, Franck Emmanuel Biya va succéder à son père qui, pendant 40 ans, a étalé à la face du monde toutes ses infirmités managériales. Nous osons espérer que le président Macron ne se rend pas au Cameroun pour adouber Franck Emmanuel Biya dont beaucoup pensent qu’il pourrait être successeur de son père, ce serait la pire des choses qui pourrait arriver au Cameroun. Nous souhaitons qu’Emmanuel Macron, mette au goût du jour, une fois au Cameroun, les problèmes de prisonniers politiques qui sont plusieurs centaines, pour la plupart, d’un seul et même parti politique, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun(MRC), principal parti d’opposition au régime de Paul Biya, et qui croupissent dans les geôles camerounaises. Nous souhaitons par ailleurs que le président Macron s’intéresse à la révision du code électoral qui, à l’état actuel, est tellement truffé d’incongruités et d’inexactitudes qui ne puissent pas permettre à un parti d’opposition quel qu’il soit de remporter une élection. Nous souhaitons également que la crise anglophone qui continue de décimer des milliers de vies dans les régions du Nord-ouest et Sud-Ouest(NoSo), soit sur la table des débats. C’est donc une visite de tous les grands espoirs, il ne faudrait pas qu’Emmanuel Macron passe à côté de la grande opportunité qui lui est donnée de rentrer par la grande porte dans l’histoire du Cameroun.

C’est aussi une visite dans un contexte international en plein bouleversement de la géopolitique mondiale, avec la guerre russo-ukrainienne et les alliances qui se nouent entre la Russie, la Turquie, l’Iran et probablement l’Inde ou la Chine face au bloc occidental. Dans ce contexte, les accords militaires signés par le Cameroun avec la Russie doivent-ils faire partie des discussions ?

Forcément ! Vous savez que jusqu’ici, nous avons été totalement dépendants de la France, y compris au plan militaire. Les observateurs français sous cape estiment qu’après le Mali, le Cameroun serait en train de glisser entre les doigts des français et le fait d’avoir signé ces accords militaires avec la Russie peut inquiéter les consciences des dirigeants français. Il est clair et indubitable qu’Emmanuel Macron va devoir également aborder cette question. Quoi qu’il en soit, même si ces accords ne rassurent pas les Français, la France a encore une main mise sur le Cameroun. Tout le mal que nous souhaitons, c’est que la France et le Cameroun continuent à entretenir des rapports cordiaux. La France accueille des Camerounais, dont moi, et c’est bien. Ce qui serait mieux, c’est que la France donne la chance aux Camerounais du pays de tirer leur épingle du jeu. Pour le moment ça n’est pas vraiment le cas.

Le président Macron, à plusieurs reprises, comme en 2020 avec Wilfrid Ekanga ou encore avant lui, Calibri Calibro, » a pris des positions perçues comme une intrusion dans la vie politique du Cameroun. Qu’en pensez-vous?

Comme on fait son lit, on se couche. Paul Biya a lui-même revendiqué, un moment, d’être le meilleur élève de la France. Je ne sais pas quel âge Emmanuel Macron avait au moment où Paul Biya est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, ils sont tous deux chefs d’État et il paraît que le fils est devenu le meilleur professeur de son père. Tout compte fait, Emmanuel Macron a une occasion unique de passer un message clair à Paul Biya. Il n’y a pas que Wilfrid Ekanga qui a interpelé le président Macron, avant lui, il y a eu Calibri Calibro, qui avait parlé de la situation des prisonniers politiques, de la liberté d’expression bafouée au Cameroun, de la dictature qui a pignon sur rue dans notre pays. Si Emmanuel Macron n’évoque pas tous ces problèmes, nous aurons l’intime conviction qu’il est allé au Cameroun davantage pour installer Paul Biya sur un piédestal qu’il ne mérite pas que pour sauver le peuple camerounais aujourd’hui pris en otage par une dictature, un peuple Camerounais complètement à la dérive.

Recueilli à Paris par J.-C. Edjangué

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