Par Jean-Célestin Edjangué
« À 1 h 30 du matin, tandis que je me trouvais, comme depuis trois nuits, à l’hôtel de ville, des individus ont lancé une voiture sur mon domicile avant d’y mettre le feu pour incendier ma maison ». Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne, 94), tente de garder son sang-froid face à la tentative d’assassinat dont il a été victime avec sa famille, dans la nuit du samedi 1ᵉʳ juillet au dimanche 2 juillet 2023. Un fait divers qui a provoqué l’émoi et la réprobation de la majorité de la classe politique française qui estime qu’on a franchi un cap dans l’échelle des violences urbaines qui se déroulent en France depuis la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un policier pour avoir refusé d’obtempérer lors d’un contrôle routier, mardi 27 juin 2023, du côté de Nanterre-Préfecture(92). Le policier incriminé a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention le jeudi 29 juin 2023.
Pour la quatrième nuit consécutive, de nombreuses villes ont été touchées par des violences urbaines, mais elles ont globalement été d’une « intensité moindre », a indiqué Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur. Le jeune Nahel a été inhumé samedi 1ᵉʳ juillet 2023, au cimetière du Mont-Valérien à Nanterre, en présence de sa mère, sa grand-mère et de plusieurs centaines de personnes venues lui rendre hommage. Mais, sans la presse ni les personnalités politiques priées par la famille de « rester à l’écart ».
Réactiver le contrat social
Le déchainement de violences dans l’hexagone, ces quatre dernières nuits, interroge sur l’existence même de la République, c’est-à-dire le mode d’organisation d’un pays dans lequel le pouvoir est exercé par des représentants de la population, généralement élus et, où le chef d’État n’est pas héréditaire et n’est pas le seul à détenir le pouvoir. Une République indivisible, au sein de laquelle aucun individu, aucune partie de la population ne peut s’arroger une souveraineté qui appartient aux seuls citoyens français, le peuple exerçant son pouvoir de décision par la voie des représentants qu’il a élus ou du référendum.
Surtout, cette République est basée sur un contrat social constitué par des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et qui sont le fondement même du droit français et sources des règles qui se déclinent en droits, devoirs et interdits.
Certes, la société française, plus que jamais divisée, semble avoir rompu le contrat social depuis plusieurs décennies. Des millions de jeunes, notamment de banlieues, abandonnés à eux-mêmes, souvent sans emploi ni formation, les 16-25 subissant trois à quatre fois plus le chômage que la moyenne nationale hexagonale, n’ont plus pour seul exutoire que les trafics de toutes sortes, le brigandage, la marginalisation… La mort de Nahel a pu constituer pour certains de ces jeunes une occasion pour exprimer la colère de la manière dont Nahel a été tué. Or, il apparaît clairement que les jeunes ne sont pas les seuls participants à ces émeutes urbaines où des groupuscules, bien organisés, semblent avoir définitivement pris le parti d’en finir avec la République et tout ce qui la symbolise : bâtiments publics, transports en commun, écoles, commissariats, gendarmeries, véhicules de police et de gendarmerie, d’hôpitaux, mairies… mais aussi les commerces, établissements bancaires, immeubles, infrastructures routières…
Face à cette situation quasi insurrectionnelle, que vit la France depuis le 28 juin 2023, la réponse des pouvoirs publics doit être implacable, avec l’interpellation des auteurs des dégradations et autres faits de violences et leur traduction devant les tribunaux pour que la loi s’applique dans toute sa rigueur. Par ailleurs, le gouvernement, les maires, la société civile, les citoyens, les parents et familles doivent tous se mobiliser pour sauver de toute urgence la République ensauvagée. Ce qui passe nécessairement par une réactivation des outils et des supports nécessaires au mieux-vivre ensemble. Faute de quoi… On risquerait de vivre le pire, une société sans foi ni loi.