Le plus jeune premier ministre de la République française, est un homme de convictions qui ne manque ni de talent ni d’audace. Il a remplacé Elisabeth Borne, ce mardi, 9 janvier 2024.
« Je suis jeune, il est vrai ; mais aux Âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Il pourrait bien faire sien, ces propos que Pierre Corneille fait dire à Rodrigue, dans le Cid. N’en déplaise. Dans un monde et une société, où la jeunesse, au même titre que la vieillesse, reste largement perçue comme « une tare sociétale », la nomination de Gabriel Attal, ce mardi 9 janvier 2024, comme 1ᵉʳ ministre de la République française, est une minirévolution. D’abord parce qu’un premier ministre trentenaire, la France en a déjà eu. En effet, François Mitterrand avait appelé à ce poste, Laurent Fabius, pour la période du 17 juillet 1984 au 23 mars 1986, soit pendant 1 an et 8 mois. Mieux, Emmanuel Macron lui-même a été élu à la magistrature suprême, le 7 mai 2017, alors âgé de 39 ans, avant d’être réélu le 24 avril 2022, au moment où nombre d’analystes et de commentateurs avisés de la vie politique française disaient, à qui voulait l’entendre, à quel point ce jeune président provoquait du rejet, voire du dégoût, aux yeux des Français. Ces derniers doivent être bien masos pour lui renouveler leur confiance. La désignation de Gabriel Attal, pour conduire le bateau France, comme chef de gouvernement, n’est certainement pas du fait du hasard.
Engagement militant contre le Front National
Né le 16 mars 1989 à Clamart dans les Hauts-de-Seine, d’Yves Attal, de confession juive tunisienne, avocat puis producteur de cinéma, à qui l’on doit notamment Talon aiguille de Pedro Almodóvar, avec comme actrice vedette Victoria avril, et de Marie de Couriss, de confession chrétienne orthodoxe, salariée d’une société de production, il est aussi descendant d’une famille de Russes blancs d’Odessa d’origine grecque.
Le petit Attal fait ses études primaires à l’École alsacienne, un établissement d’enseignement privé laïque sous contrat d’association avec l’État, fondé en 1874 à Paris 6ᵉ, proposant un enseignant depuis le jardin d’enfants jusqu’en classe de terminale. Il obtient son baccalauréat et, en 2007, est admis à l’institut d’études politiques (Sciences po) de Paris, où il s’adjuge du master 2 des Affaires publiques, en 2013, tout en suivant une licence de droit à l’Université de Panthéon-Assas. Parallèlement, il est au cinéma où il joue le rôle d’un lycéen dans « La Belle Personne », long-métrage de Christophe Honoré.
Quant à son engagement politique, c’est à la faveur d’une manifestation, où l’amenèrent ses parents, contre la présence de Jean-Marie Le Pen, président du Front national, au second tour de la présidentielle de 2022. Il participera ensuite au mouvement d’humeur contre le contrat première embauche, en 2006, et rejoint le parti socialiste pour soutenir la candidature de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007. Il s’est considéré comme étant dans le sillage de cette « deuxième gauche » qui veut intégrer l’entreprise et le libéralisme dans l’exercice du pouvoir sans renier en rien ses convictions humanistes. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant qu’il avoue avoir « adhéré au PS en étant dans la mouvance de Dominique Strauss-Kahn ». En 2009-2010, il assure une mission auprès d’Éric de Chassey, alors directeur de la Villa Médicis.
Ascension fulgurante
Dans la foulée, après un stage à l’Assemblée nationale auprès de Marisol Touraine, ministre de la Santé, lors de la campagne présidentielle, dont il devient membre du cabinet en 2012. Il devient le plus jeune conseiller ministériel du quinquennat. Jusqu’en 2017, il œuvre comme préposé aux discours et conseiller politique après le départ de Benjamin Griveaux. En 2014, aux élections municipales, Gabriel Attal, cinquième sur la liste PS, devient l’un des quatre conseillers municipaux PS de Vanves, dans les Hauts-de-Seine(92), prend la tête de l’opposition, au moment de la démission de la tête de liste socialiste.
Quand en avril 2016, Emmanuel Macron lance En marche, devenu La République en marche (LREM), Gabriel Attal y adhère et quitte le PS dès l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2017.
Élu député en juin 2017, dans la dixième circonscription des Hauts-de-Seine, au terme d’une campagne remarquable qui l’a vu affronter Jérémy Coste, suppléant d’André Santini, et le général Bertrand Soubelet. Il est considéré par ses collègues députés du groupe LREM, dont nombreux sont des novices, comme un des députés les plus talentueux et fidèles à Emmanuel Macron, aux côtés de Christophe Castaner, qui le prend sous son aile, et de Stéphane Séjourné, son compagnon. Porte-parole de LREM de janvier à octobre 2018, il est nommé, le 16 octobre de cette même année, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer, devenant ainsi le plus jeune membre d’un gouvernement sous la Vᵉ République.
26ᵉ et plus jeune Premier ministre de la Vᵉ République
Le 6 juillet 2020, Gabriel Attal est nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du gouvernement. Moins de deux ans après, le 20 mai 2022, il est nommé ministre délégué chargé des Comptes publics dans le gouvernement d’Elisabeth Borne. Brillant élu, avec 59,85 % des voix au second tour des législatives de 2022, devant la candidate de la NUPES, Cécile Soubelet, il est maintenu au gouvernement. Nommé le 20 juillet 2023, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, à l’âge de 34 ans, en lieu et place de Pape Ndiaye. Là encore, il est le plus jeune ministre de l’Éducation nationale de la Vᵉ République. On doit à ce poste : l’interdiction du port de l’abaya à l’école, annoncé la mise en place de cours d’empathie et de l’exclusion des harceleurs pour lutter contre le harcèlement scolaire, et prévu le recours au redoublement et aux groupes de niveau en français et mathématiques dans les classes de 6ᵉ et de 5ᵉ. Le 9 janvier 2024, Gabriel Attal devient nouveau Premier ministre, nommé par Emmanuel Macron, en remplacement d’Elisabeth Borne, démissionnaire.
À 34 ans, Gabriel Attal devient le 26ᵉ et plus jeune Premier ministre de la Vᵉ République, avec 4 ans de moins que Laurent Fabius qui occupa ce poste sous François Mitterrand, en 1989.
De nombreux défis attendent le nouveau Premier ministre, à commencer par la conduite de la campagne pour les élections européennes du 9 juin 2024. Un scrutin qui sera forcément dominé par la question migratoire.
Par Jean-Célestin Edjangué