Conseiller municipal dans la ville de Mülheim an der Ruhr, une ville allemande d’environ 170 000 habitants, située dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, consultant d’université et président de l’association Afro-Mülheimers e.v Cultural et development association créée au printemps 2015, pour l’accueil et accompagnement des demandeurs d’asiles, réfugiés et migrants vivant à Mülheim an der Ruhr, il raconte son parcours et porte son regard sur la situation politique, économique et sociale du Cameroun aujourd’hui.
Vous avez plusieurs casquettes. Comment fait-on quand on est originaire de Koumba, au Cameroun, pour les concilier toutes ? Racontez-nous votre parcours…
Mon parcours n’a pas du tout été facile. Dans les années 1990, avec la chute du mur de Berlin et le vent de démocratie qui soufflait en Afrique en provenance de l’union soviétique, j’étais membre du social democratic front (SDF). Nous avons essayé de faire la démocratie au Cameroun, mais nous sommes rendus compte que ce n’était pas facile. J’ai constaté que la démocratie a certaines caractéristiques globales et des d’autres spécificités de là où on se trouve. Quand j’étais au Lycée, je m’intéressais déjà à la politique. Les gens me disaient qu’il fallait se consacrer aux études et laisser la politique aux politiciens. Aujourd’hui, je vois les conséquences de cette manière de penser. La jeunesse, c’est la période de vie où on apprend beaucoup, on s’intéresse à tout, à la protique de la démocratie et le vivre ensemble. Or, quand on observe les principaux acteurs de la vie politique camerounais, l’équipe gouvernementale a une moyenne d’âge de 66 ans. Ça veut dire que les jeunes ne participe pas à l’élaboration des projets liés à la modernité, ni à des secteurs comme l’informatique. Un pays qui n’intègre pas sa jeunesse dans la construction de la société est un pays sans avenir.
Puisque vous parlez de la jeunesse du Cameroun, dont le gouvernement dit souvent qu’elle est le fer de lance de la nation. Quel regard portez-vous sur le pays aujourd’hui, en particulier sur les régions du Nord-ouest et Sud-Ouest ?
C’est vraiment très triste ce qui se passe dans ces régions aujourd’hui. Voilà 24 ans que j’ai quitté le Cameroun. A l’époque, je criais déjà que la situation va mal. Malheureusement, personne ne voulait entendre sonner l’alarme. Quand je suis sorti du collège, je suis entré à Class bambili, dans le Nord-Ouest, puis l’Université de Yaoundé et le Centre universitaire des sciences de la santé (CUSS ndlr), toute cette époque, nous étions des boursiers. Aujourd’hui, chaque étudiant payait sa pension. Il y a donc un échec politique et dans l’enseignement. Par ailleurs, en dépit de toutes difficultés, il y avait plus de solidarité entre la partie anglophone et la partie francophone du Cameroun. Je peux témoigner de cette réalité puisque j’ai participé à la construction de notre école bilingue à Bonamoussadi, financée par nos propres cotisations parentales. Et l’école anglophone était très demandée, le système anglophone encourageait la participation des élèves aux enseignements de sorte que la confrontation d’idées était très intéressante, féconde pour tout le pays. Aujourd’hui, on impose tout aux élèves qui finissent par perdre la motivation et l’émulation nécessaires. Entre les deux périodes, c’est le sens de la politique qui a beaucoup changé.
Comment sortir de cette situation ?
C’est un problème qui m’a toujours préoccupé, auquel j’ai souvent réfléchi. Je vais faire plusieurs propositions. La première est d’interroger la responsabilité des partis politiques. On doit revoir ce que c’est un parti politique. Il est là pour enseigner les bases des droits, les bases de la démocratie, la formation de la citoyenneté et la participation à la gestion des affaires de la cité. Deux acteurs majeurs politiques existent. Le politicien actif et le politicien passif. Trois mots résument la politique : les structures(polti), les règles(Polcy) et les process(politi). Ces trois éléments, appliqués à tous les domaines de la vie quotidienne, donnent les mêmes résultats, la réussite.
Recueilli à Dortmund par J.-C. Edjangué