L’ouvrage qui relate les entretiens du père de Soul Makossa, qui a coupé le souffle de son saxophone, le 24 mars 2020, avec son ami Yves Bigot, président de Tv5 Monde, sera dédicacé ce 24 mars 2023, à la « Maison commune » des Camerounais dans l’hexagone, rue d’Auteuil dans le 16ᵉ arrondissement de la capitale. De nombreuses productions artistiques en l’honneur de ce patrimoine culturel mondial sortent dans le contexte de son souvenir.
« « Mama sé, mama sa mama makossa », ce mantra de Manu Dibango(1933-2022) a été repris, samplé, plagié de Michael Jackson à Rihanna, en passant par les Fugees ou encore Beyoncé. Paru à l’occasion de la coupe d’Afrique des Nations en soutien aux Lions Indomptables du Cameroun, « Soul Makossa » constitue dès sa parution en 1972 un véritable manifeste culturel. Ce titre est la porte d’entrée naturelle dans l’œuvre foisonnante de ce compositeur et saxophoniste d’exception, qui a su fusionner entre autres l’afro-beat de Fela Kuti et le zouk de Kassav’, et donner naissance à la world music », note la quatrième de couverture de cette production littéraire, expliquant : « Les tribulations artistiques de Manu Dibango l’ont conduit de Reims à Bruxelles, de Douala à Abidjan, de Paris à New York, où il a partout été acclamé, devenant dans les années deux mille patriarches de la musique africaine. Ces entretiens, avec son ami et producteur Yves Bigot, rendent hommage à sa personnalité à travers son histoire personnelle comme musicale, sa vision originale du panafricanisme, et ses observations lucides des enjeux culturels et géopolitiques entre les peuples ».
Le souvenir des trois ans du rappel de Tonton Manu auprès de ses ancêtres semble avoir inspiré beaucoup des artistes. À l’instar de ceux que l’on appelle affectueusement dans le milieu musical camerounais, africain et mondial, les jumeaux Masao.
« Lôbâ » de Masao Masu
« Ce qui m’a attiré chez eux, c’est la qualité et la manière dont ils jouent des cloches. Nous sommes de la même région, mais les cloches parlent différemment selon les régions. Et leurs cloches racontent une histoire et avant même qu’ils chantent, tu es déjà dans l’histoire de la région. Ce sont des musiciens qui, tout en étant contemporain, sont profondément dans nos traditions. Et c’est important d’avoir sa tradition avec soi. Surtout avec une seule cloche, ça fait voyager ». Les propos de Manu Dibango retrouvés dans le fond d’images de l’Institut national audiovisuel (INA), au sujet des jumeaux Masao Masu, traduisent l’estime qu’il avait de leur genre musical et le désir de le promouvoir. « Le Grand Manu nous avait entrouvert son cœur, nous demandant de passer le voir chaque fois que nous en aurons besoin. Dommage que nous n’ayons pas eu le temps de réaliser les projets que nous commencions à élaborer. Sa mort nous a bouleversés, tout comme celle d’Amobé Mevegue, qui préparait un grand plateau pour nous sur France 24 avec Jean Dikotto Madengue ». Ben et Peter sont encore très émus, trois ans après le décès de Tonton Manu. De lui, ils gardent précieusement les conseils qu’il leur avait prodigués : « Pour réussir dans ce métier, pour durer, il faut être intègre, ponctuel, correct avec soi-même et les autres ».
« Le Grand Manu » d’Aimé Nouma
Un single de 5’50, qui swing, avec des paroles déclamées façon Slameur, très rythmées, dans une ambiance jazzie ou wolrd music. Tout cela commence par un des rires dont Tonton Manu seul avait le secret. Un rire chaleureux, qui respire la sincérité, l’amour du prochain, la joie de vivre. Et puis, ça claque : « Le Grand manu, notre grand à nous ; il était si grand qu’il est devenu aussi votre grand à vous. Vous ! À Cotonou, Conakry, Tizi Ouzou, New Delhi, Moscou, Helsinki… », puis on entend de loin « Douala, on est là… ». Le titre, mis en ligne le 13 mars, a été écrit par Aimé Nouma, sur une musique de Laurent Travert, avec Valérie Bélinga au Chœur, Rger Kom au saxo.
L’idée des jumeaux Masao Masu et d’Aimé Nouma, sans s’être concertés, était de pouvoir se produire pour rendre hommage au Grand Manu, parti trop tôt rejoindre les ancêtres. Ils seront présents à la dédicace de l’ouvrage d’Yves Bigot, ce vendredi 24 mars 2023, à l’Ambassade du Cameroun en France. Petite consolation.
Par Jean-Célestin Edjangué à Paris
*Manu Dibango-Conversations avec Yves Bigot, 176 pages, janvier 2023, éditions Le mot et le reste, collection Musiques.