La multinationale anglo-suisse de négoce, courtage et d’extraction de matières premières est dans la tourmente. En cause, des pratiques de corruption et manipulation de certains marchés, dans de nombreux continents et pays.

Ces pratiques ont été révélées suite à des enquêtes prolongées menées par le Brésil, le Royaume-Uni et les États-Unis, sur deux filiales de la multinationale anglo-suisse, conduisant Glencore à plaider coupable, le 24 mai, à de multiples accusations de manipulation du marché et de corruption, notamment en ce qui concerne les opérations pétrolières de la société en Afrique et en Amérique du Sud. D’où les pénalités avoisinant 1,2 milliard de dollars américain infligées à Glencore aux États-Unis pour avoir « violé la loi américaine sur les pratiques de corruption à l’étranger (FCPA) et manipulé les prix des matières premières », le groupe ayant plaidé coupable devant les tribunaux américain et britannique. L’affaire fait tache d’huile en Afrique, où, Glencore semble avoir causé encore plus de dégâts.

Plus de 10 ans de pratiques condamnables

Le Cameroun, en Afrique centrale, est l’un des pays cités dans cette affaire tentaculaire avec un montant allégué de 7 milliards de francs CFA reversés notamment à des hauts fonctionnaires dont certains de la SNH. Et la classe politique, surtout l’opposition, pense que le Cameroun vend le pétrole à Glencore en dessous de sa valeur.

Selon les dires des pays enquêteurs, « les actions de corruption de Glencore comprenaient plus de 100 millions de dollars US de pots-de-vin versés à des fonctionnaires au Brésil, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée équatoriale, au Nigeria, au Soudan du Sud et au Venezuela entre 2007 et 2018 ».

Face à la pression médiatique et à l’urgence imposée par les opinions publiques nationales et internationales de la manifestation de la vérité, la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun est sortie de son silence, pondant un communiqué de presse (voir par ailleurs), visant à se dédouaner de toute responsabilité dans ce scandale, niant même toute pratique corruption au sein de l’entreprise. C’est vrai que le contraire ferait mauvais genre alors que le Cameroun vient de mettre en place un numéro WhatsApp d’alerte pour signaler tout acte de corruption avéré.

Le paradoxe d’une multinationale qui prône la transparence

« La portée de ce système de corruption criminelle est stupéfiante », a indiqué le procureur américain Damien Williams pour le district sud de New York, précisant : « Glencore a versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats pétroliers. Glencore a versé des pots-de-vin pour éviter les audits gouvernementaux. Glencore a soudoyé des juges pour faire disparaître des poursuites judiciaires. Au fond, Glencore a versé des pots-de-vin pour faire de l’argent – des centaines de millions de dollars. Et elle l’a fait avec l’approbation, voire l’encouragement, de ses cadres supérieurs ».

Le paradoxe dans cette affaire, c’est que Glencore s’est toujours affiché comme une entreprise défendant des valeurs de responsabilité, de clarté. « Glencore soutient les principes de transparence et de responsabilité de l’ITIE depuis 2011 », peut-on lire sur le site Internet de l’ITIE. « Soutenant depuis longtemps les entreprises minières, Glencore a également été un membre actif du groupe de travail de l’ITIE sur la transparence dans le commerce des matières premières, soutenant l’élaboration de directives de déclaration volontaire sur l’achat de pétrole, de gaz et de minéraux aux gouvernements. L’entreprise estime que les pays qui répartissent de manière transparente et efficace les richesses en ressources naturelles au profit de leurs communautés ont le potentiel d’attirer des investissements commerciaux plus importants, plus responsables et à plus long terme. » Et même si Rt Hon Helen Clark, la présidente du conseil d’administration de l’ITIE, a publié une déclaration sur Glencore exprimant son inquiétude par rapport aux actions de l’entreprise, elle ne tire aucune conséquence de cette affaire.

À ce stade du scandale, on peut se demander comment aurait réagi la communauté internationale si Glencore avait été une entreprise africaine… Ce qui est sûr, c’est que cette affaire de corruption à grande échelle n’a pas fini de livrer tous ses travers.

Par Jean-Célestin Edjangué

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