L’évènement, qui s’est tenu les 6 et 7 mars derniers, dans cette institution, a décerné un prix à l’éminent chercheur, historien, traducteur, pour l’ensemble de son œuvre.

Il est des évènements qui marquent pour l’éternité, la vie des humains que nous sommes. Parce qu’ils nous survivent, ils continueront à marquer des générations entières après les nôtres. Le colloque international qui s’est déroulé, les 6 et 7 mars 2024, à l’Académie du Royaume du Maroc, à Rabat, en est, à en croire les échos que j’en ai eus. Non pas tellement parce qu’il était organisé par la Chaire des littératures et des arts africains de cette majestueuse institution qui, pour l’occasion, a convié en son sein des universitaires, chercheurs, et autres intellectuels venus du Maroc, du reste de l’Afrique, d’Europe et de l’Amérique, pour réfléchir et échanger autour d’une thématique à la fois historique et culturelle. « Le récit des origines et les grandes dates de l’histoire des littératures africaines et diasporiques ».

Rétablir la vérité histoire 

Les participants au colloque international sur Récit des origines et grandes dates de l’histoire des littératures africaines et diasporiques, à Rabat

Un sujet qui, comme l’a si bien souligné le Pr. Dieudonné Gnammankou « a des perspectives qui ne vont pas se limiter à ces journées qui lui ont été consacrées ». C’est pourquoi, on peut le dire sans hésitation aucune, que la réflexion menée à Rabat, continuera à exciter les méninges bien au-delà des frontières du berceau de l’humanité, des générations et des générations entières. Pourquoi parce qu’il s’agit de rétablir la vérité histoire, falsifiée depuis des siècles. Un exemple parmi tant d’autres ?

« L’aïeul, évoqué dans cette lettre de Pouchkine, n’est autre qu’Abraham Hanibal, arraché de sa terre natale au nord de l’actuel Cameroun, et arrivé en Russie à l’âge de huit ans (en 1704). Hanibal devint le fils adoptif puis le collaborateur du tsar Pierre Le Grand. Il devint ensuite, sous le règne de l’impératrice Elisabeth, l’une des plus importantes personnalités de l’Empire russe ». Cette quatrième de couverture de « Abraham Hanibal. L’aïeul noir de Pouchkine », livre paru en 1996 chez Présence africaine, dont l’auteur est le Pr. Dieudonné Gnammankou, historien béninois, remet en cause une thèse jusque-là admise généralement, celle Ju. Lotman, soutenant que : « L’ancêtre de Pouchkine n’était pas un nègre, mais un arabe, c’est-à-dire un éthiopien abyssinien ».  

Un travail de déconstruction et de reconstruction

Cette contre-vérité a ensuite été reprise partout, y compris dans des dictionnaires ou des encyclopédies. C’est que Lotman a lui-même relayé une autre hérésie, celle de l’anthropologue D. Anoutchine, fin du 19ᵉ siècle, dont les préjugés racistes étaient connus et qui n’aurait jamais pu accepter que l’arrière-grand-père de Pouchkine soit un noir. Il développa donc la thèse de l’origine sémito-africaine, « chamitique » d’Hanibal.

Les travaux du Pr. Dieudonné Gnammankou ont donc rétabli une vérité historique et restaurer la mémoire non seulement de Pouchkine, mais celle de l’humanité à travers la littérature. Pour ce faire, le chercheur s’est appuyé sur les dires mêmes d’Hanibal, qui, dans une requête au Sénat, en 1742, affirme : « je suis originaire d’Afrique, d’illustre noblesse locale, je suis né dans la ville de Logone sur les terres de mon père qui régnait outre cette ville sur deux autres cités ». Une principauté qui se situait alors dans l’ancien Soudan central, au sud du lac Tchad, au nord du Cameroun actuel.

C’est ce travail, en particulier, et celui de l’ensemble de l’œuvre du Pr. Dieudonné Gnammankou, que l’Académie du royaume du Maroc a voulu saluer, en honorant l’éminent chercheur du Prix de cette vénérable institution, en présence d’une vingtaine de participants, universitaires, chercheurs, et invités venus du Maroc, de l’Afrique, de l’Europe et des Amériques. Une récompense qui est aussi un encouragement à poursuivre ce travail de déconstruction, pour reconstruire sur la base des faits réels, lavés de tout préjugé, notamment raciste.

Par Jean-Célestin Edjangué

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