Le 66ᵉ lauréat de la distinction la plus convoitée individuellement dans le sport roi est un joueur exceptionnel à plus d’un titre.
« C’est le ballon d’Or du peuple ». L’expression fera date. Elle entrera, comme son auteur, dans les annales du football mondial, dans les archives de l’histoire et pas seulement du ballon rond. Elle sera inscrite, à jamais, dans l’éternité, Sculptée dans le marbre en or massif, pour entrer définitivement dans la postérité.
Pourquoi cette expression si banale au premier abord revêt-elle après coup une importance incommensurable ? Pour plusieurs raisons, de mon point de vue.
Altruiste et buteur
D’abord, elle est prononcée dans un contexte particulier, celui de la remise de la plus grande distinction qui couronne le talent individuel d’une joueuse et d’un joueur de football, sur l’année écoulée. Et si on pouvait s’attendre à ce que la famille, les amis, les entraîneurs, clubs ou autres éducateurs sportifs qui ont contribué, à un moment ou un autre, à formation et à l’épanouissement du futur grand champion, rarement le peuple a été aussi directement associé par le lauréat lui-même, à sa réussite personnelle.
Ensuite, la personnalité même de Karim Benzema. Né à Lyon de parents originaires d’Algérie, il a quitté relativement tôt son cocon familial et les Gones pour le club le plus titré en ligue des champions et considéré comme l’un des plus grands au monde. Il va tout y connaître. Des humiliations au moment où José Mourinho, alors entraîneur du Réal Madrid lui sert cette remarque devenue virale sur la toile : « Quand tu vas à la chasse et que tu n’as pas de fusil ni de chien, mais tu n’as qu’un chat. Qu’est-ce que tu fais ? Tu prends ton chat et tu l’amènes à la chasse ». Une métaphore qui faisait passer Karim Benzema pour chat, pour un joueur manquant de caractère, de volonté, un joueur qui ne faisait peur à aucune défense… Il a aussi été le garçon de services lorsqu’il se met à la disposition totale de Christiano Ronaldo, l’aidant à remporter à plusieurs reprises le ballon d’or. Avant de devenir le maître et leader incontesté d’une équipe du Réal pas toujours séduisante dans le jeu, mais diablement efficace. Et, cerise sur le gâteau de sa personnalité exceptionnelle, KB9 ne se contente pas de marquer des buts, comme on l’exige naturellement d’un avant-centre.
Résistant et homme de convictions
C’est le dernier et non moins important des caractéristiques de ce joueur, c’est un avant-centre altruiste. Karim Benzéma est obsédé par le jeu collectif, l’expression du groupe, le mouvement d’ensemble. Lui, l’avant-centre, celui dont l’ambition première devrait être de scorer, d’enfiler des buts comme des perles, il se révèle être davantage un chef d’orchestre qui veille à l’harmonie de l’ensemble de l’équipe tout en marquant des buts. Ce comportement, affiché sur le terrain, contraste par exemple avec d’autres chasseurs de buts. Ce qui ne l’empêche pas d’être dans le cercle très fermé des footballeurs ayant gagné cinq Ligues des Champions.
Ce 66ᵉ ballon d’Or de France Football, 4ᵉ joueur français à remporter cette distinction, restera, assurément, comme l’un des plus atypiques de tous, pour l’ensemble des caractéristiques que véhicule Karim Benzema. Des caractéristiques qui montrent à quel point ce footballeur, à 34 ans, est non seulement le ballon d’Or le plus âgé de l’histoire, mais probablement l’un des plus atypiques. « Le sacre de Karim Benzema comme 66ᵉ ballon d’or de France football est caractéristique d’un joueur parti de rien, qui a résisté à toutes les tempêtes, bravé toutes les vicissitudes de la vie, un homme qui a cru en lui-même, en ce qu’il avait comme projet de footballeur, pour arriver à son but. En cela, il envoie un message aux jeunes, surtout des milieux défavorisés, pour leur dire que tout est possible à celui sait résister, à celui qui croit en ses rêves », me confiait le réalisateur algérien Rachid Belhadj, lors du 19ᵉ Festival international du film panafricain de Cannes, le 19 octobre 2022.
Par Jean-Célestin Edjangué